Les chefs de file d’une scène noise rock hexagonale en plein renouveau semblent vouloir déconstruire les clichés du genre pour plonger dans une transe sombre. L’extase au bout du tunnel ?
Vu de loin, le rock’n roll contemporain ressemble à un pachyderme légèrement sourd aux mutations du monde actuel. Encore largement dominée par les hommes et régulièrement piétinée par leurs gros sabots virilistes, cette scène peine à prendre le train d’une époque de remise en question salvatrice. Bien heureusement, certain·es artistes font avancer les choses, tout en ne renonçant ni aux guitares brûlées à l’électricité ni au champ des possibles qu’a encore à offrir un groupe rock en 2023.
The Psychotic Monks sont bien décidés à déboulonner les prérequis, tout en refusant le statut de défouloir pour amateurs de pogo testostéroné que certains voudraient leur accorder un peu vite. Sur son troisième album, le groupe parisien fait le choix de l’expérimentation et d’une prise de risques souvent jusqu’au-boutiste qui, si elle est poussée par un certain vent de liberté, risque aussi de déstabiliser ses fans de la première heure.
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Transe no-wave hypnotique
En invitant Daniel Fox, bassiste de Gilla Band, à prendre les rênes de la production, The Psychotic Monks aurait pu sonner comme une pâle copie du groupe irlandais. Il n’en est rien ici, l’influence du musicien se faisant principalement ressentir dans l’omnipotence des rythmiques et des sonorités qui sont autant de réminiscences de la scène proto-indus britannique.
Cette production affirmée tire le groupe vers un pendant beaucoup plus mental qui titille une transe no-wave délicieusement hypnotique. Composé principalement de longues plages évolutives, ce disque ressemble à un gros doigt d’honneur à la dictature des plateformes de streaming. Le math rock motorik de Post-Post- ou le technoïde Crash brillent par un travail sur les textures et une science maîtrisée du chaos. L’abstraction maladive de location.memory ou le crooner cintré de Imagerie hissent The Psychotic Monks au niveau des grands expérimentateurs que furent Sonic Youth ou Liars.
C’est quand il revient en terre mélodique que le groupe tape moins juste, à l’image du longuet Décors, où un chant un peu passe-partout semble en décalage avec l’ambition sonique générale. Pink Colour Surgery reste un disque à l’audace assumée, bourré d’idées et de tentatives personnelles, à mille lieues des clichés et des redites. Un pas de géant dans la bonne direction.
Album : Pink Colour Surgery (Vicious Circle & FatCat Records/L’Autre Distribution)
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