Et éditée par le label Mr Bongo.
Un peu d’histoire pour commencer. En 1960, son indépendance à peine acquise, le Mali se lance dans une ambitieuse politique culturelle dont l’objectif est de valoriser un patrimoine – essentiellement musical – que la colonisation a chloroformé. Selon les vœux de Modibo Keita, premier président malien, le ministère des Affaires culturelles sélectionne à travers tout le pays les meilleurs musiciens et finance les orchestres. Ainsi naîtront les principales matrices que sont l’Orchestre national A et l’Ensemble instrumental national du Mali.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mais en 1968, un coup d’Etat orchestré par le lieutenant Moussa Traoré dépose Keita et remet en cause l’ancienne politique interventionniste, avant de la restaurer. Dans l’intervalle apparaissent les premiers ensembles qui ne dépendent pas de l’action publique. C’est le début de l’aventure de la musique malienne moderne et l’objet de cette remarquable compilation.
Transgresser n’est pas trahir
Un mot en restitue l’essence profonde : “transgression”. La trajectoire d’un Salif Keita symbolise ce vent de joyeuse désobéissance qui traverse le milieu musical local des années 1970. A l’époque, qu’un descendant de dynastie royale puisse s’abaisser au rang inférieur de griot relève encore de l’outrage. Or l’éblouissant Mandjou, titre le plus connu du lot, où la voix de Salif s’envole en hyperboles louangeuses adressées au président guinéen Sékou Touré, transforme l’infraction en chef-d’œuvre.
Cette liberté arrachée aux conventions, on en perçoit l’exubérance dans ces instants extirpés des archives et qui défilent en parade miraculeuse, du trépidant Nissodia (Joie de l’optimisme) par Idrissa Soumaoro avec L’Eclipse de l’I. J. A. (où débutent Amadou & Mariam) au tyrannique Mouodilo du Rail Band, un funk “jamesbrownien” dont s’acquittent des musiciens prédisposés à la “re-naturalisation”africaine de rythmes venus d’Amérique.
Pourtant, “transgression” ne signifie pas toujours “trahison”. Le prouve ce Mali Ni Woula par le Super Djata Band, qui transpose l’esprit du style donzo (des chasseurs) dans une esthétique blues rock avec break et solo à la guitare wah-wah. Joliment packagé avec livret et photo de pochette signée Malick Sidibé (à qui l’album est dédié), cette collection élargit notre connaissance du fond patrimonial africain. Et surtout enrichit nos sources de plaisir.
{"type":"Banniere-Basse"}