Il aura fallu attendre quinze ans et la liquidation d’Aztec Camera pour que Roddy Frame retrouve les sommets.La révision historique actuelle qui tend à justifier d’encombrantes fréquentations de jeunesse Bauhaus, Depeche Mode, en attendant Blancmange et, qui sait, A Flock Of Seaguls ? , ce retour en grâce soudain de la new-wave early 80’s […]
Il aura fallu attendre quinze ans et la liquidation d’Aztec Camera pour que Roddy Frame retrouve les sommets.
La révision historique actuelle qui tend à justifier d’encombrantes fréquentations de jeunesse Bauhaus, Depeche Mode, en attendant Blancmange et, qui sait, A Flock Of Seaguls ? , ce retour en grâce soudain de la new-wave early 80’s sous son jour le plus guignolesque, ne pourra rien pour Roddy Frame. Condamné d’avance à rejoindre la fosse commune des éternels cocus, où il aura tout loisir de deviser sur les erreurs passées et les infortunes présentes avec ses semblables Stephen Duffy, Terry Hall et les autres , ce n’est sans doute pas l’abandon du trompe-l’oeil Aztec Camera qui modifiera le cours impuissant des choses : Roddy Frame publie trop tard son meilleur album depuis le premier, après avoir accumulé tellement de défaites cuisantes tantôt artistiques, tantôt commerciales, souvent les deux qu’on le croyait mort depuis longtemps.
Partie très tôt, très haut l’album High land, hard rain en 83, l’année de ses 19 ans , l’étoile du Nord (Ecosse) fut tellement vite éclipsée par les Smiths ou Lloyd Cole qu’elle ne fit bientôt plus l’objet d’aucune observation. Personne, parmi la milice indie, ne lui pardonna notamment d’avoir couché avec l’ennemi Mark Knopfler sur un second album, Knife, au fond pas si haïssable qu’on a pu l’écrire et la trajectoire contrariée d’Aztec Camera ne sembla dès lors qu’un long toboggan dont il ne restait plus qu’à attendre la chute finale. Parfois, comme en 92 avec le single Spanish horses, Roddy Frame a paru vouloir se raccrocher à nos bons souvenirs, mais chaque nouvel album Dreamland ou l’inutile Frestonia il y a trois ans le voyait implacablement lâcher de l’altitude. En sacrifiant Aztec Camera, Roddy Frame a visiblement tenté d’inverser la vapeur, en commençant par retrouver son poids de forme, la taille de guêpe de ses 20 ans, sa voix à peine muée et ses belles mélodies en contre-jour. Débarrassé des requins qui lui tournaient autour sur les derniers albums, barbotant à nouveau dans les mêmes eaux translucides dans lesquelles fut baptisée son écriture juvénile à l’époque des classiques Oblivious, Pillar to post ou Orchid girl, Frame parvient ici à comprimer le temps, jouant délicatement de la harpe avec nos cordes les plus sensibles, glissant au passage la chanson dont Morrissey, depuis deux albums, s’obstine à nous priver River of brightness. Entendons-nous, l’histoire n’avance pas ici d’un pouce, elle aurait même plutôt tendance à faire un sacré saut en arrière, mais on préférera toujours de tels renoncements, d’aussi touchants replis sur soi à des paris d’avenir perdus d’avance. A 19 ans, Roddy Frame était le songwriter le plus précoce de sa génération. A 34 ans, il a enfin l’âge de ses chansons. Et nous avec.
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