On compile l’œuvre classieuse de Tom Verlaine, le dandy new-yorkais au parcours en dents de scie. Best-seller inattendu de l’été new-yorkais, Please kill me the uncensored oral history of punk fonctionne comme une nasse : on y entre insouciant, puis on n’arrive plus à en sortir. Fascination coupable devant cette brochette de splendides accidents, […]
On compile l’œuvre classieuse de Tom Verlaine, le dandy new-yorkais au parcours en dents de scie.
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Best-seller inattendu de l’été new-yorkais, Please kill me the uncensored oral history of punk fonctionne comme une nasse : on y entre insouciant, puis on n’arrive plus à en sortir. Fascination coupable devant cette brochette de splendides accidents, ces groupes magnifiquement explosés en plein vol dont les auteurs, Legs McNeil et Gillian McCain, font inlassablement parler les boîtes noires. Ainsi, Television. Tom Verlaine, magicien de la guitare, est aussi une diva psycho-bétonnée, un petit tyran ombrageux et cul serré excédé par les frasques de ses acolytes un giton familier des hôpitaux psychiatriques, Richard Lloyd, et un vibrion illuminé sautant d’épopée en galère, Richard Hell. Lorsque la renommée pointe le bout de son nez (Patti Smith, énamourée, se pâme devant son cou de cygne et ses hanches sveltes), Tom Verlaine, grisé par cet embryon de gloire, prend ombrage des cabrioles scéniques de Richard Hell. Progressivement réduit au rôle de faire-valoir, Hell va tenter sa chance au sein des Heartbreakers de Johnny Thunders son sort n’y sera guère meilleur. Sur disque, rivalité et mesquineries sont d’excellents aiguillons : quand Marquee moon, premier album de Television, sort au printemps 1977, Tom Verlaine, jeune vétéran des luttes d’egos, sait ce qu’être spectaculaire veut dire. Si les sauts de cabri le répugnent depuis qu’il a vu Dylan dans Don’t look back, il est expert en « cool » , l’éloquence électrocutée lui va bien. Etat de grâce ou prodige de volonté, cette année-là, sa voix livide et étranglée éclipse les organes les plus veloutés ; talochée par la rythmique opiniâtre de Richard Lloyd, sa guitare aux nerfs à vif bâtit des cathédrales gothiques dans les bas quartiers de Manhattan. De retour de chez le disquaire, une génération qui avait la détestable impression de s’être fait leurrer par le rock reprend espoir en découvrant qu’en Hudson et East River les Cadillac roulent dans les cimetières tandis que les poètes tombent dans les bras de la Vénus de Milo. Le duelliste intrépide est aussi un parolier intrigant, un champion des images électrisantes. Marquee moon scintille aux côtés d’Horses au firmament du punk américain racé, tellement haut que l’album suivant, Adventure, s’offre un injuste aller simple pour les bacs des soldeurs. Les chansons abrasives (The Grip of love, Breakin’in my heart) du premier disque solo de Tom Verlaine Lloyd, encombrant junkie, est abandonné sur le bas-côté servent d’épilogue provisoire au roman de Television : rythmes anguleux, guitare scintillante. Suit pour Verlaine une carrière en dents de scie, où les perles pop (Postcard from Waterloo) et les élégies soyeuses (O foolish heart) ne parviennent pas toujours à arracher à l’anonymat des albums consciencieusement virtuoses. En 1992, Television se reforme pour une tournée météore et un éblouissant dernier disque Call Mr Lee est l’une des plus belles chansons d’un garçon qui eut le toupet d’aimer John Coltrane et le flamboiement de l’acid-rock au temps des franges bouffeuses de cerveau et des hymnes à la crétinerie satisfaite. The Miller’s tale jeu de mots sur les Contes de Canterbury de Chaucer et le vrai nom de Verlaine, Tom Miller rassemble les plus hauts faits d’armes de Verlaine en une efficace anthologie et offre en indispensable bonus un disque live (Londres, en 1982) d’un sidérant lyrisme belliqueux.
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