Arrangements d’or et voix de cristal : les Australiens de The Middle East font des merveilles avec le folk-rock. Critique et écoute.
Les réseaux sociaux, blogs et sites internet donnent régulièrement l’occasion de lire des choses un peu méchantes sur les journalistes musicaux. Le critique rock y est décrit comme un roi, un vendu ou un intéressé qui ne décroche le téléphone que lorsqu’il souhaite demander l’édition collector valant la peau du popotin d’un disque dont, au passage, il se tape royalement, mais qu’il offrira à sa tante. Non seulement tout ça est souvent faux (c’est plutôt pour nos oncles), mais ce qu’on écrit rarement, c’est que le journaliste musical vit en contrepartie de beaux moments de lose, seul avec son enregistreur face à l’adversité et cette vie qui ne nous fait pas de cadeau tous les jours.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Outre l’épreuve de l’interview par téléphone avec un batteur écossais, l’un de ces moments difficiles consiste à partager de longues minutes avec un groupe qui a vingt-quatre heures d’avion dans les pattes, une bouteille de vin rouge dans l’estomac, un art pour la réponse monosyllabique et un accent à couper au Laguiole.
Ce groupe, ce fut par exemple, il y a quelques semaines, The Middle East, une formation qui comme son nom ne l’indique pas vient d’Australie, et dont on avait découvert les ballades folk-rock avec le déjà réjouissant The Recordings of the Middle East.
Ce disque avait été publié une première fois, puis le groupe s’était séparé après le départ d’un ses membres – ils sont sept au total – pour Berlin. Reformé quelques mois plus tard, il publiait à nouveau son album avant d’entamer une grande tournée à travers le monde, lors de laquelle on l’a vu se produire aux côtés de The Morning Benders ou Grizzly Bear. “C’était chaotique et épuisant. Aujourd’hui, on en a vraiment assez de ce disque et de la scène des musiciens folk à barbe à laquelle on nous a associés. Cet album nous paraît daté et plus très intéressant. On préfère se concentrer sur la suite”, réussira tout de même à marmonner, en essayant de se servir à plusieurs reprises un verre de vin à partir d’une bouteille objectivement vide, le chanteur-guitariste Jordan Ireland.
La suite, c’est un disque nommé I Want That You Are Always Happy, soit un titre avec une faute de grammaire intentionnelle qu’on pourrait traduire par “Je veux que toi être toujours heureux”. Eh bien, que The Middle East se rassure : nous être aux anges et nous rigoler pour l’entretien – ça s’est bien terminé. Car sur disque, le groupe est tout simplement éblouissant : portés par la voix cristalline d’Ireland, les Australiens livrent un second recueil miraculeux, sur lequel on croit entendre, en vrac, les fantômes d’Andrew Bird, Okkervil River ou Thom Yorke… Entre folk-songs habillées de parures divines, parfaites pour squatter l’encéphale (Jesus Came to My Birthday Party, Hunger Song, Land of the Bloody Unknown) et instants de grâce en pagaille (Months, Ninth Avenue Reverie), I Want That You Are Always Happy est un grand disque de 2011, qui positionne le groupe pile poil entre le Sufjan Stevens période Illinoise et les Fleet Foxes des grands soirs. Vivement l’édition collector.
{"type":"Banniere-Basse"}