On croyait le genre exsangue. Personne n’aurait pu imaginer un tel retour en grâce. Avec les affaires qui ont secoué le milieu (au sens scorsésien du terme) comme l’assassinat de Tupac Shakur, le comportement douteux du patron du label de Dr Dre et de Snoop Doggy Dogg ou les rivalités meurtrières avec les rappeurs de […]
On croyait le genre exsangue. Personne n’aurait pu imaginer un tel retour en grâce. Avec les affaires qui ont secoué le milieu (au sens scorsésien du terme) comme l’assassinat de Tupac Shakur, le comportement douteux du patron du label de Dr Dre et de Snoop Doggy Dogg ou les rivalités meurtrières avec les rappeurs de la Côte Est, le gangsta-rap californien avait fini par mourir de sa pas très belle mort, plus gangsta que rap. On avait donc regardé d’un œil distrait Dr Dre créer son label Aftermath et Snoop Dogg s’exiler à La Nouvelle-Orléans chez le multimilliardaire Master P. Musicalement, la cause semblait entendue. Jusqu’à Eminem.
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Par son phrasé et sa personnalité, ce rappeur de Detroit marqué à vie par les Niggers With Attitude a immédiatement impressionné Dr Dre qui, en entendant sa cassette, a juré ne pas avoir remarqué qu’elle était l’œuvre d’un Blanc. Un an après le succès de The Slim Shady LP, qui venait effacer le mauvais souvenir d’un premier album autoproduit où le rappeur cherchait encore sa voie, Eminem a fait de nouveau appel à la production de son mentor.
Suite du premier volet qui s’inspirait de la face sombre du bonhomme (Slim Shady), ce nouvel album dévoile sa vraie identité, Marshall Mathers. Serait-ce d’avoir joué des coudes l’an passé dans les charts avec les Beastie Boys ou Everlast, qui s’étaient retrouvés parmi les plus grosses ventes hip-hop du moment aux Etats-Unis, sur un marché habituellement dominé par le black-business ? The Marshall Mathers LP fait en tout cas preuve d’une plus grande agressivité (Kim). La production en apparence ludique de Dr Dre, faite de synthétiseurs sautillants (l’archétypique The Slim Shady) s’apparente à un gangsta-rap qui aurait accepté un régime Slim Fast. Débarrassé de ses rondeurs funk, de sa cellulite George Clinton et de ses bourrelets de basses, le rap d’Eminem ne se prive pas pour autant du discours machiste, misogyne et homophobe revendiqué par ses pairs. En réalisant l’osmose parfaite avec ses modèles, Eminem n’échappe malheureusement pas à leurs pires défauts, son humour dévastateur lui évitant de tomber dans le piège du personnage caricatural.
La couleur est annoncée dès la courte intro de l’album, Public service annoncement 2000, vingt-cinq secondes de pure provocation qui appellent tous les mécontents à lui intenter un procès. On pourrait aussi citer le refrain d’Under the influence mais chaque titre contient son lot de politiquement incorrect, souvent jusqu’à en friser l’absurde (Drug ballad). Eminem s’offre un véritable jeu de massacre de l’establishment pop, de Britney Spears à Christina Aguilera en passant par Marky Mark, Puff Daddy ou Jennifer Lopez. « Je suis contre les Backstreet et Ricky Martin », clame-t-il dans la ballade Marshall Mathers, histoire de faire l’unanimité contre lui dans la sphère MTV, certain du pouvoir que lui confère le succès quasi assuré de cet album à l’efficacité meurtrière. Comme si la capacité à composer des titres tels que la poignante confession de Stan l’excusait de tous les excès, Eminem s’en prend à la société américaine tout entière : une provocation couronnée par la réunion de Dr Dre et Snoop Dogg autour de Bitch please 2, histoire de célébrer la renaissance du gangsta-rap.
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