On le répétera une dernière fois ici : Antonio Carlos Jobim fait partie du cercle très restreint des compositeurs arrangeurs dont l’impact et la démarche auront bouleversé cette seconde moitié du xxe siècle. Disparu le 8 décembre 1994 dans une indifférence quasi obscène de ce côté-ci du globe, la figure tutélaire de la musique brésilienne […]
On le répétera une dernière fois ici : Antonio Carlos Jobim fait partie du cercle très restreint des compositeurs arrangeurs dont l’impact et la démarche auront bouleversé cette seconde moitié du xxe siècle. Disparu le 8 décembre 1994 dans une indifférence quasi obscène de ce côté-ci du globe, la figure tutélaire de la musique brésilienne - dont il fut aussi le plus pertinent ambassadeur - fait donc l’objet un an après d’une canonisation à la mesure des services rendus : un étonnant coffret, en forme de carnet à spirale, à mi-chemin entre un journal intime et un disque très intime , dépassant des rayonnages de la même façon que la musique qu’il contient dépasse les classifications établies. Ce testament en trois volets l’un s’attardant sur l’œuvre vocale de Jobim, l’autre sur ses instrumentaux, le troisième proposant diverses versions de ses airs les plus célèbres confirme si besoin était la prédominance du carioca d’Ipanema dans l’imaginaire musical collectif, à l’instar d’un Cole Porter ou d’un Gershwin et de quelques autres, mélodistes universels au talent souvent sublimé par des tiers qui leur ont piqué la vedette. Ici, les Gilberto, Elis Regina ou Stan Getz s’octroient les premiers rôles et Jobim fait tapisserie. Mais quelle tapisserie ! Pas une note, pas un instrument, pas un rythme où l’on n’entende palpiter, crépiter et finalement jaillir en gerbes délicates cette extraordinaire inspiration. Bien sûr, ce panoramique est partiellement incomplet puisqu’il ne balaie que les enregistrements réalisés par Jobim pour le label Verve, un long mariage plus de trente ans entrecoupé d’adultères dont les enfants ne sont pas représentés ici. Mais qu’importe puisque l’essentiel et nullement le superflu y figure, accompagné de diverses analyses, biographies et interviews et orné de sublimes photos inédites. A tous ceux, profanes ou simples contradicteurs, qui trouveraient que tout cela fait légèrement carte postale touristique, on rappellera que Jobim est l’auteur authentifié de cette carte postale, que le Brésil tel qu’on l’admet aujourd’hui dans les dépliants ne serait pas tout à fait le même sans cette musique-là et qu’il est parfois utile de remettre les choses dans le bon ordre.
Antonio Carlos Jobim, The Man from Ipanema (Verve/Polygram)
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