Symbole de la vitalité de la scène clermontoise, Zak Laughed chante du haut de ses 15 ans l’éternelle verdeur de la tradition folk-rock.
On n’a pas encore eu le plaisir de rencontrer Zacharie Boisseau, alias Zak Laughed, mais en l’attendant dans le salon de sa maison familiale, près de Clermont-Ferrand, on en apprend déjà beaucoup sur son compte. Car dans cette vaste pièce, les murs parlent de lui. Deux murs, pour être précis, mangés par une imposante collection de vinyles, d’où jaillissent les noms de vieilles connaissances : Leonard Cohen, Neil Young, Bob Dylan, Jonathan Richman, JJ Cale, mais aussi Steely Dan, Robert Wyatt…
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En voyant cet aréopage de pointures du songwriting rassemblées là par l’entremise d’un père atteint de mélomanie aiguë, on comprend comment Zak a pu attraper le virus de la musique. Sauf que chez lui ce virus a muté : de simple passion, la musique est devenue une vocation. “Je suis tombé dedans en entendant les disques de mon père, confirme-t-il un peu plus tard. Vers l’âge de 8-9 ans, j’ai eu ma petite phase de rébellion, je me suis dirigé vers le hiphop. Mais je suis revenu vers le songwriting avec Eels, une énorme claque.”
Ces histoires de transmission, on les connaît par coeur : elles sont vieilles comme le monde de la musique. L’histoire de Zak, pourtant, a défrayé la chronique clermontoise avant de créer quelques vagues sur le net. Pourquoi tant d’émoi ? Parce que c’est à l’âge de 12 ans que le jeune Auvergnat, ukulélé ou guitare en bandoulière, s’est produit pour la première fois en public, interprétant de sa voix d’angelot des reprises de ses idoles (Johnny Cash, Nick Drake, Eels…) et une poignée de titres de son cru. En Afrique ou en Amérique du Sud, en Inde ou en Andalousie – bref, dans tous les endroits civilisés où la musique est un art de vivre avant d’être un plan de carrière –, cette histoire d’amour entre un gamin, des instruments et des chansons n’aurait surpris personne. En France, elle a valu à Zak d’être rangé malgré lui dans l’assommante catégorie des enfants prodiges. “Pour moi, c’était naturel, dit-il. Quand j’ai commencé, faire des concerts ne m’avait pas traversé l’esprit. J’avais simplement mis trois chansons sur MySpace. Elles sont arrivées aux oreilles de la Coopérative de Mai (fameuse salle de concerts clermontoise – ndlr). A partir de là, tout s’est enchaîné.”
Soutenu par Dionysos, Cocoon ou le collectif clermontois Kütu Folk, invité en 2007 à la soirée L’Auvergne fête le Velvet organisée par la Coopérative de Mai, gagnant en 2008 d’un concours de reprises organisé par CQFD et le label Rough Trade, Zak aurait vite pu avoir les dents qui rayent le micro. Mais rien ne pouvait ébranler la sage détermination d’un garçon qui a choisi de se construire pas à pas en s’entourant de partenaires sûrs. Enregistré avec son frère Augustin (basse) et ses potes Adrien (guitare) et Yann (batterie, des Elderberries), son premier album, élaboré dans les studios voisins d’un ami de la maison, le musicien, producteur et arrangeur Denis Clavaizolle, est bien moins une histoire de business qu’une histoire de famille. Et une histoire d’apprentissage, naturellement. “Avec Denis et le groupe, on a travaillé sur le disque pendant un an, avec en général une séance par semaine, explique Zak. Pour moi, c’était l’idéal, comme si j’avais une leçon de solfège !”
Qu’il présente le visage sans fard de la lofi ou l’apprêt soigné d’une folk-pop ornée de cordes, de vents ou de claviers, The Last Memories of My Old House, derrière la grâce tremblée de ses mélodies et de la voix juvénile de son auteur, exprime déjà un désir brûlant : celui de ne pas se figer dans une formule, de grandir en musique. Cette soiflà n’a pas d’âge, même si elle prend une dimension toute particulière chez un songwriter de 15 ans. C’est à l’adolescence qu’on se découvre un passé, une distance avec celui qu’on a été et qu’on ne sera plus. Zak ne l’ignore pas : le titre de son album dit combien ce recueil de chansons marque le début d’une aventure, tout en refermant le premier chapitre de sa vie. “Pour le groupe comme pour moi, cet album paraît déjà un peu vieux… En même temps, il faut faire comme s’il était tout neuf. Le bon côté de cette contrainte, c’est qu’elle nous amène à déformer sans cesse les chansons, pour leur donner une nouvelle vie.” En perpétuelle transformation, la musique n’est jamais que le miroir des êtres changeants qui la jouent : ça aussi, c’est une vieille histoire. Mais Zak Laughed la raconte avec une telle fraîcheur qu’elle se rehausse d’un piquant parfum de nouveauté.
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