On ne s’attendait franchement pas à ouvrir ces colonnes à Gavin Bryars, sinon pour fustiger sa plume trempée dans l’eau de rose et ses saveurs aussi relevées qu’un bol de tisane froide. Mais le syndrome Phil Glass se reproduit : pour la deuxième fois en quelques semaines, nous voilà invités à réévaluer sérieusement la production […]
On ne s’attendait franchement pas à ouvrir ces colonnes à Gavin Bryars, sinon pour fustiger sa plume trempée dans l’eau de rose et ses saveurs aussi relevées qu’un bol de tisane froide. Mais le syndrome Phil Glass se reproduit : pour la deuxième fois en quelques semaines, nous voilà invités à réévaluer sérieusement la production d’un musicien à l’aune de ses quatuors à cordes. Après tout, Bryars n’est pas Michael Nyman, auquel les mêmes Balanescu avaient consacré un programme de quatuors demeuré l’un des disques les plus assommants de ces dernières années. Bryars n’a jamais totalement cessé d’être un créateur, un homme capable de grandes initiatives (souvenons-nous du Portsmouth Orchestra, où les musiciens n’avaient d’autre tâche que de jouer le plus mal possible d’un instrument qui n’était pas le leur) et doté d’un magnifique métier. Il en faut pour brosser deux quatuors d’une facture aussi raffinée, d’une construction sonore aussi irisée. Dans le Premier quatuor, composé pour le Arditti Quartet (dont Alexander Balanescu était alors second violon), les cordes semblent passées au papier d’émeri ou au brou de noix : rien qui ne soit homologué par les manuels d’instrumentation. Sonorités étranges, tour à tour voilées ou pures, diaphanes ou corsées : on n’est pas étonné d’apprendre qu’en composant cette pièce fantomatique, Bryars avait l’intention d’évoquer comme en filigrane le souvenir de quatre compositeurs-interprètes (Ysaye, Vieuxtemps, Hindemith et Schoenberg). The Last days, pour deux violons, travaille la même matière sobre et sculpturale. Dans le Deuxième quatuor, le classicisme de Bryars trouve sa plénitude à travers une écriture soucieuse de la ligne, de la courbe, de la ponctuation et du silence toute une calligraphie qui, loin de brusquer les cœurs, touche par une sorte d’impavide et blafarde mélancolie. De quoi prouver, en tout cas, que le quatuor à cordes bénéficie actuellement d’un renouveau inespéré grâce à la jeune génération des compositeurs tonaux. Grâce aussi à la personnalité d’interprètes comme les Kronos (dont on attend le double CD rétrospectif), les Arditti ou les Balanescu qui sont ici simplement prodigieux et, à la différence du Portsmouth Orchestra, jouent à la perfection d’instruments qui sont les leurs.
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