Groupe sans visage, Travis demeure un humble artisan orfèvre en pop-songs sages. Qui parvient ici à maturité, inoffensif mais charmant. A priori, Travis ne nourrit pas de complexes. Challenger numéro un de Radiohead (“Radiohead du pauvre”, bavoteront certains), le groupe écossais sort son troisième album à peu près en même temps que paraît Amnesiac. De […]
Groupe sans visage, Travis demeure un humble artisan orfèvre en pop-songs sages. Qui parvient ici à maturité, inoffensif mais charmant.
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A priori, Travis ne nourrit pas de complexes. Challenger numéro un de Radiohead (« Radiohead du pauvre », bavoteront certains), le groupe écossais sort son troisième album à peu près en même temps que paraît Amnesiac. De quoi faire fouetter n’importe quel chartbuster en herbe. Excepté Travis, qui semble planer très au-dessus de ce maelström médiatique. Avec 3,5 millions de disques vendus à travers le monde, Fran Healy et ses jeunes amis peuvent voir venir, quand bien même jusqu’ici, artistiquement parlant, ils n’ont jamais pesé bien lourd. Certes, le succès massif de ces discrètes teen idols n’est pas volé. Good feeling, premier album en forme d’exercice de style néopop, avait ses bons moments ; quant au triomphal The Man who, il brillait par son insolence mélodique, à défaut de souligner une quelconque personnalité. Pas mal Radiohead donc, un peu U2 aussi, grevé de tics sixties et de maniérismes vocaux, Travis peinait à trouver sa véritable identité, voué au rôle d’éternel second couteau, la lame émoussée et le manche écaillé en prime. Sauf que ces gens-là sont des sages. Plutôt que de se vautrer dans l’emphase et le grotesque, ces cache-misère qu’autorise le statut, même fragile, de rock-star (cf. Muse), Fran Healy s’est remis au boulot, avec une componction qui confine au masochisme. Sur la pochette de The Invisible Band, les quatre Travis se planquent dans les ramures d’un arbre géant, façon d’en rajouter dans l’humilité. Le disque est à cette image. Ambitieux et modeste à la fois, il cache dans la luxuriance de sa production un talent d’écriture gros comme ça. Travis a grandi, Travis a mûri, à l’instar de la voix de Fran Healy, qui se dispense désormais du moindre débordement lyrique, du moindre cabotinage. Surtout, Travis a incroyablement gagné en épaisseur et en chaleur. Impensable autrefois, la justesse de ton de Sing (d)étonne, de même que ce banjo en filigrane, cette ampleur presque irréelle, comme si le morceau flottait dans une sorte de quatrième dimension, où les instruments n’en seraient plus, où tout serait pure affaire de son. Après Beck, The Divine Comedy et… Radiohead, Nigel Godrich a encore frappé. Sans rien voler à Travis ni sa façon ni ses chansons , Godrich, véritable Spector d’aujourd’hui, hisse le groupe par-dessus lui-même, lui déroulant un tapis (volant et rouge) de climats oniriques, une fine étoffe atmosphérique qu’entaillent innocemment des guitares à bouts ronds, comme les enfants découpent dans du papier crépon. Il y a de ça chez Travis, une joie presque infantile de chanter et de jouer, un allant mélodique qui se traduit en refrains quasi parfaits. Cherchez le single… Tel semble le nouveau jeu auquel Travis convie ses fans, qui risquent d’hésiter longtemps entre le sautillant Flowers in the window, l’héroïque Follow the light ou encore l’éloquent Pipe dreams. On leur conseillera quand même de jeter une oreille attentive aux deux morceaux qui closent le disque (Indefinitly et The Humpty Dumpty Love Song), deux ballades graves où la sobriété de Fran Healy fait des merveilles et que d’amples violons drapent d’une improbable majesté. Façon d’affirmer que Travis en a définitivement terminé avec sa crise de croissance.
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