Mettre The Horrors entre les pattes de Paul Epworth équivalait, a priori, à faire conduire le tour bus des Kids United par Emile Louis. Entre le producteur aux testicules multiplatinées (Adele, Coldplay…) et le rigoriste quintet de l’Essex, les zones de compatibilités semblaient ainsi, au départ, aussi étroites qu’elles se révèlent immenses à l’arrivée. “Après deux […]
Aidés par le producteur d’Adele, les Anglais de The Horrors décuplent leur pouvoir de séduction sur un cinquième album à la fois expérimental et commercial.
Mettre The Horrors entre les pattes de Paul Epworth équivalait, a priori, à faire conduire le tour bus des Kids United par Emile Louis. Entre le producteur aux testicules multiplatinées (Adele, Coldplay…) et le rigoriste quintet de l’Essex, les zones de compatibilités semblaient ainsi, au départ, aussi étroites qu’elles se révèlent immenses à l’arrivée.
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“Après deux albums et quasiment sept années à rester enfermés dans notre studio, à nous produire nous-mêmes, il fallait quelqu’un pour venir fracturer la porte”, estime à juste titre le chanteur Faris Badwan, conscient qu’avec le précédent album, l’harassant Luminous, le groupe justifiait mieux son nom que le disque portait le sien.
V de victoire
V est donc le cinquième Horrors, mais aussi le signe d’une victoire du groupe sur ses rhumatismes goths, obtenue au prix d’une fertile remise en question esthétique. “Nous voulions faire un disque expérimental avec des pop songs, renchérit le bassiste Rhys Webb. Et Paul Epworth était la bonne personne pour ça, car on oublie qu’il a produit aussi quantité de groupes indés parallèlement à ses grosses productions.” Il suffit de commencer par la fin, par le très Pet Shop Boys Something to Remember Me by, pour mesurer l’ampleur des révolutions accomplies.
Mais la tâche de Paul Epworth ne s’est pas arrêtée à ces audaces transformistes, il a aussi réinjecté dans les veines de The Horrors le venin du danger, provoquant une succession de chocs thermiques au sein d’un groupe qui nous avait habitués à la monotonie de climats tempérés. Faris et Rhys sont même partis s’installer un temps en Islande, dans un cabanon en pleine nature, pour décanter des atmosphères que leur environnement anglais ne parvenait plus à faire éclore. “Certaines étendues de pierres volcaniques, ce gris métallique un peu lunaire, ont sans doute conditionné le son que nous cherchions à produire, quelque chose d’industriel et de naturel à la fois.”
Un album rempli de référence
Faris Badwan cite aussi Iggy Pop, et notamment Mass Production, le titre final de l’album The Idiot où David Bowie et Iggy retrouvaient le son des usines de bagnoles de Detroit, et dont on reconnaît l’écho sur Machine, le morceau le plus bruitiste de V.
“Are we holograms, are we visions”, s’interrogent-ils sur la chanson d’intro, Hologram, moins inspirée par Jean-Luc Mélenchon que par Gary Numan, et ce questionnement métaphysique imprègne tous les recoins d’un disque en mutation, qui bascule du groove rêveur (Press Enter to Exit) au dub désabusé (Weighed down), de l’acoustique apaisée (Gathering) à l’electro déboussolée (Ghost) que parcourent des spasmes à la My Bloody Valentine.
Passionnant atelier de stimulations ultramoderne en même temps que machine à recycler le meilleur (New Order) et le pire (Simple Minds) des années 1980, V ne résout pas tout à fait l’énigme d’un groupe qui n’a jamais paru si charnel et pour autant si désincarné, si humain et si fantomatique. Au bout de douze ans d’existence, ceux qui parviennent encore à laisser planer autant de mystères et à nourrir autant de paradoxes doivent être plutôt vus d’un bon œil.
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