Autrefois groupe goth grand-guignol, les très hype The Horrors hantent désormais les brouillards du shoegazing, épaulés par le cerveau de Portishead. A juger sur pièce avec 5 morceaux en écoute : alors, à votre avis ?
[attachment id=298]Planqués derrière trois couches d’eyeliner, coiffures hirsutes, gambettes aussi fines que des mikados, The Horrors faisaient moins peur que sourire à l’époque de leur premier album, Strange House (2007). En noir monochrome des pieds jusqu’au bout des mèches, ils avaient toute la panoplie du groupe ténébreux, vociférant un garage-rock enragé, obsédé par les orgues sixties et le psychobilly des Cramps – pour enfoncer le clou, ils endossèrent même des pseudos, comme Coffin Joe ou Faris Rotter.
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Sortis d’un relatif anonymat par une amourette people de leur chanteur longiligne, les Anglais sont devenus malgré eux des personnages de cartoon dans la presse poubelle de leur pays, avant de replonger dans les ténèbres. « Il y a eu des malentendus assez frustrants à notre sujet, raconte Rhys “Spider” Webb. C’était très étrange de voir l’image déformée qu’une certaine presse donnait de nous. A l’époque, nous étions sous contrat avec une major qui n’avait pas l’habitude qu’un groupe débarque avec des idées aussi précises sur tout. Ça a peut-être joué en notre défaveur. »
De leur deuxième album, on n’attendait donc pas grand-chose, ou du moins pas cette volte-face magistrale. The Horrors ont visiblement décidé de passer moins de temps à se pomponner devant le miroir, préférant le briser en mille éclats contre le mur de leur abri sans fenêtre. Faris Rotter est ainsi redevenu Faris Badwan. Il a opté pour un chant d’outre-tombe, aussi possédé que Nick Cave, aussi ténébreux qu’Ian Curtis, bien plus élégant et fascinant que les cris étranglés qu’il braillait sur Strange House.
La longue intro en apesanteur de Mirror’s Image glisse vers une spirale infernale où se mélangent une basse lancinante, un écho de cathédrale, des pulsations qui se chevauchent et des distorsions de guitares shoegazing. “Ça reflète la musique que j’écoutais en grandissant, quand j’avais horreur du son des guitares, déclare Joshua Third, pourtant guitariste. J’ai toujours aimé les distorsions. Elles transcendent les instruments en leur faisant produire des sons qu’ils n’étaient pas censés faire. » Un goût pour l’invention audacieuse que partagent ses collègues : « J’adore les airs tordus, dévergondés, psychédéliques dans le sens où ils n’ont pas forcément de sens », continue Spider Webb.
[attachment id=298]Grand responsable de cet échafaudage chaotique mais parfaitement millimétré, le ristolien Geoff Barrow a déjà prouvé ses talents d’architecte chez Portishead. Sur Primary Colours, il a su, justement à partir de ces couleurs primaires, brutes, appliquer une sorte de dripping à la Jackson Pollock pour exprimer les tourments violents des Anglais (I Can’t Control Myself, Do You Remember) ou leurs élans psychédéliques (Scarlet Fields).
Distants et enfermés à double tours, The Horrors aiment s’occuper quand le temps est à l’orage. Ils taquinent le mur du son et parviennent à créer des nappes aériennes dans une atmosphère confinée, en regardant l’extérieur seulement par le trou de la serrure. Le démaquillant leur sied à merveille.Nous vous proposons 5 extraits de Primary Colours (XL/Beggars) en écoute : à vous de vous faire, désormais, votre avis. Et, surtout, à vous de nous le donner.
Who Can Say
Primary Colours
Three Decades
Scarlet Fields
Sea Within a Sea
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