On compile les meilleures heures de Bobbie Gentry, conteuse américaine au parcours sinueux et décapant. Par le hasard d’une énigmatique chanson abonnée aux compils sixties, Bobbie Gentry s’est retrouvée estampillée one hit wonder. En 1967, à 23 ans, elle a déjà fui le comté de Chickasaw, Mississippi, tâté de la philo en Californie, puis dansé […]
On compile les meilleures heures de Bobbie Gentry, conteuse américaine au parcours sinueux et décapant.
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Par le hasard d’une énigmatique chanson abonnée aux compils sixties, Bobbie Gentry s’est retrouvée estampillée one hit wonder. En 1967, à 23 ans, elle a déjà fui le comté de Chickasaw, Mississippi, tâté de la philo en Californie, puis dansé à Las Vegas. Pour la chorégraphie de ses ballets, elle utilise ses propres chansons, qui alliées à des yeux immenses et à une crinière bouffante séduisent un ponte du label Capitol. Un album suit, inspiré par son enfance, passée entre église baptiste et vagabondages champêtres. Un thème musical revient en leitmotiv ; c’est celui d’Ode to Billy Joe. A l’origine, la chanson dure sept minutes et compte cinq couplets ; l’arrangeur, Kelly Gordon, ajoute six violons et deux violoncelles à la guitare et à la voix de Bobbie. Surtout, il sucre un couplet et obtient un single conforme aux normes radio. Tronquée, la chanson gagne en mystère : on ne saura jamais ce que Billy Joe et sa petite amie ont jeté du haut du pont de Tallahatchee peu avant qu’il s’y suicide. Bague de fiançailles ? Bébé illégitime ? A l’époque, les histoires d’enfants morts en bas âge sont curieusement en vogue, et vont se nicher jusque dans l’easy-listening encore qu’on hésite à attribuer ce label léger à des titres aussi éhontément morbides qu’Elusive dreams ou Down from Dover, méchants mélodrames confiés au tandem Nancy Sinatra/Lee Hazlewood. Ode to Billy Joe, chanson d’amour et de mort entrecoupée de commentaires d’une famille de fermiers impassibles attablés devant leur dîner, intrigue, émeut et conquiert l’Amérique. On en tirera même un film doté, triste ironie, d’une musique sirupeuse signée Michel Legrand, alors que l’album original chant râpeux, chansons imprégnées de toutes les saveurs du Sud agricole, arrangements d’une géniale inconscience est l’un des plus étranges fruits qu’ait portés une année pourtant riche en disques insensés. Ensuite, le parcours de Bobbie Gentry enfin réédité, dans un parfait désordre donne le tournis. Dotée d’une voix rauque à la (jeune) Tina Turner, elle reprend des ballades des Beatles, donne la réplique à Glen Campbell parfait sosie de l’époux souffre-douleur de Samantha dans Ma sorcière bien aimée , arbore des fringues et un maquillage qui feraient passer les sapes seventies de Casino pour des tenues de nonne et Liz Taylor pour une couventine. Les échotiers la fiancent à Elvis, elle anime des shows télé middle of the road, enregistre six albums en quatre ans et écrit encore des chansons troubles comme Fancy superbement reprise par les Geraldine Fibbers , histoire d’une gamine que sa mère pousse à faire carrière en étant « gentille avec les messieurs ». Destin finalement proche de celui de Bobbie Gentry elle-même, vouée à satisfaire les appétits de producteurs acharnés à mouler son tempérament de conteuse régionaliste dans des arrangements fendus haut sur la cuisse.
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