Avec un album boursouflé, Embrace ne visite que sa face grandiloquente : dommage pour quelques tendres ballades. C’est une schizophrénie ordinaire dans le rock, que l’on a déjà fréquentée chez les Smashing Pumpkins : ce besoin de jouer fort et urgent en vitrine, alors que l’on pleurniche dans l’arrière-boutique des faces B. On ne peut […]
Avec un album boursouflé, Embrace ne visite que sa face grandiloquente : dommage pour quelques tendres ballades.
C’est une schizophrénie ordinaire dans le rock, que l’on a déjà fréquentée chez les Smashing Pumpkins : ce besoin de jouer fort et urgent en vitrine, alors que l’on pleurniche dans l’arrière-boutique des faces B. On ne peut même pas reprocher à Embrace de nous avoir pris en traîtres : la face B de leur enthousiasmant premier single s’appelait My weakness is none of your business « Mes faiblesses ne vous regardent pas ». Alors Embrace allait les dissimuler dans le dos de chansons qui, elles, font bêtement le coq tous ces The Last gas, ces One big family, ces I want the word ou You’ve got to say yes (dignes du Be here now d’Oasis, donc indignes). Dommage pour ces fragilités enregistrées au bord d’un piano, d’une guitare sèche : ce premier album leur a interdit le droit de visite, comme une famille chétive dont les muscles affichés auraient désormais honte. Car sur son premier album, Embrace habille même ses ballades de violons tape-à-l’oeil, d’orchestrations au luxe de parvenu. Triste, vraiment, pour ces sobres If you feel like a sinner, Free ride, You don’t amount to anything this time ou Butter wouldn’t melt abandonnés sur le bord de l’autoroute beaucoup trop balisée et lisse de The Good will out. Un problème de groupes du nord de l’Angleterre, ça, ce besoin d’étaler sa virilité, de taire ses faiblesses, de construire des digues pour repousser les vagues à l’âme.
C’est pourtant quand ce rock se met à douter sérieusement de sa santé qu’il devient le plus touchant, quand il débranche la perfusion Verve, l’intraveineuse Oasis. Quand ses faiblesses commencent, justement, à nous regarder, droit dans les yeux. Là, sur les romantiques That’s all changed forever ou Fireworks, Embrace rappelle ces moments fascinants où le rock du Nord cocufia sa fierté, ces moments où Pete Shelley et ses Buzzcocks introduisirent le virus du spleen dans un punk fanfaron, où les Smiths indignèrent Manchester en y ouvrant un élevage de papillons noirs avant que Morrissey n’en fasse un commerce de plus en plus douteux. Pas musicalement, bien sûr, tant Embrace est capable de faire sonner une humble ballade comme un péplum (Retread ou Higher sights, écrits par une chorale de pompiers), de rendre luxuriant même un désert acoustique, n’écoutant que la voix de la déraison, de la grandiloquence. Qui, lorsqu’elle décide de construire sur du dur, bâtit alors des palais complexes et voluptueux, comme cet All you good good people dont on ne se lasse pas de visiter les sombres recoins, les alcôves, les passages secrets. Mais le problème est qu’Embrace empile et surcharge sans vraiment se soucier de ses fondations et que des chansons a priori habitables (Come back to what you know, raté de justesse, ou The Good will out) finissent par s’écrouler dans un spectaculaire gâchis, dans un nuage de poussière et de poudre aux yeux. Une schizophrénie ordinaire du rock : Embrace, à la fois tête à prendre sur son épaule et tête à claques. Vivement une compilation des faces B.
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