Un peu vite catalogué bouffon-trublion, Gonzales révèle des desseins autrement plus pervers et supérieurs en s’attaquant au tronc du hip-hop. Déjà un très bon signe sur ce deuxième album recensé du speedé Gonzales : un des producteurs de The Entertainist s’appelle Mocky. Oui, Mocky, comme notre Jean-Pierre national, dont ce Juif canadien en asile flou […]
Un peu vite catalogué bouffon-trublion, Gonzales révèle des desseins autrement plus pervers et supérieurs en s’attaquant au tronc du hip-hop.
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Déjà un très bon signe sur ce deuxième album recensé du speedé Gonzales : un des producteurs de The Entertainist s’appelle Mocky. Oui, Mocky, comme notre Jean-Pierre national, dont ce Juif canadien en asile flou à Berlin est un parfait équivalent musical. Tout d’abord pour sa façon de squatter les genres pour mieux les humilier de l’intérieur, les vitrioler un cruel sourire aux lèvres. Ensuite pour cette capacité à bâtir avec des bouts de rien des œuvres aussi monstrueuses, bancales qu’insolemment personnelles, discernables en un coup d’oreille. Aussi pour cette manière de refuser de choisir son camp entre culture et sous-culture, entre le noble et le navrant, entre le déglingué et le savant. Enfin, surtout, pour cette élégance insensée dans un geste trop sous-estimé : le crachat dans la soupe. Les chansons de Gonzales sont donc : impertinentes, rosses, trompeuses, lo-fi, hi-fi, inégales, inégalables dans un genre trop vaste et miné pour que qui que ce soit d’autre risque d’y pointer son nez Beck compris. Mais leur cynisme insensé, leur humour douteux, leurs coups bas vicieux, leurs tours de cochon et leur mépris des règles de bienséance en cours dans le rock, le punk, la pop, la soul ou le hip-hop ne sont pas les qualités principales de ce grand disque lessivé. Non, la force des chansons de Gonzales, plus que leur cerveau malfaisant, leurs jambes hystériques, leurs doigts pervers et leur sexe en ébullition, c’est un cœur qui a gardé ses yeux d’enfant, à la fois gourmands et naïfs.
Un coup, Gonzales est le rappeur blanc le plus virevoltant depuis Eminem (dont il se moque allégrement) ou Everlast. Celui d’après, il est le trafiquant de soul déclassée le plus ténébreux depuis Leila ou Tricky (Candy, Meditation, Prankster fly). Quelques secondes après, on le retrouve éloquent dans une antique electro eighties (Futuristic ain’t shit to me) ou lascif dans une soul trouble (le cultivé Higher than you, qui remonte au moins à Gil Scott-Heron). Une manière de papillon qui pourrait faire de ce nouvel album une bonne plaisanterie sur le thème du hip-hop, un cocasse exercice de style pour ce piètre MC. Pourtant, Gonzales a beau se proclamer the entertainist, ses desseins sont désormais ailleurs (ou higher, plus haut, en anglais) : ne pas compter sur lui pour simplement amuser la galerie en se vautrant dans une formule partouzarde (et gagnante) qui avait fait les beaux jours de son précédent Gonzales über alles. La grande surprise ici, c’est que le hip-hop n’est plus prétexte à quelques pitreries et pirouettes, mais bien une pâte à modeler dans laquelle comme chez Mike Ladd, Saul Williams ou Anti Pop Consortium un scalpel, manié avec une brutale sensualité, envisage le futur visage de la soul. Chez Gonzales : les traits tirés, le visage en extase et des moustaches daliennes. C’est là tout l’art de ce faux comique mais vrai cinoque, champion du monde de la récupération, chien-flaireur inouï pour dénicher des trésors dans les poubelles de l’histoire, qui s’amuse à écrire « génial » avec les lettres de « génie du mal », « hip-hop » avec celles de « bric et broc », « soul » avec celles de « sale ». Premier artiste entièrement écologique, Gonzales recycle tout et ne laisse aucun déchet.
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