Avec un album sophistiqué sous
ses airs simplistes, les Anglais s’offrent
un merveilleux travail de rénovation
de la pop-music. Critique et écoute.
Un matin, un homme se réveille et part au travail. Il est artisan, il s’appelle Joseph Mount. Il y va d’un pas étonnamment allègre, il a trouvé la solution à un problème qui le tarabuste depuis une dizaine d’années : comment rénover l’electro-pop ?
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Joseph Mount et son groupe Metronomy n’en sont donc pas à leur coup d’essai mais à leur premier véritable coup de maître. Il fallait beaucoup d’insouciance pour réussir un objet d’une aussi dérisoire gravité, d’une telle importance futile : le grand disque de pop moderne de 2011. L’entraîneur de Liverpool Bill Shankly disait du football : “Ce n’est quand même pas une question de vie ou de mort : c’est bien plus grave que ça.”
Ainsi de la pop-music selon Joseph Mount : un art pétillant et pétulant mais qui littéralement l’empêche de dormir. La musique, on le sait, n’est que de l’air qui vibre, rien de plus, mais quels airs, quel changement d’air ici : sur The English Riviera, tout est dans les détails, et on mesure la maniaquerie du chantier à la simplicité éblouissante du travail achevé. Car là où Metronomy a parfois eu tendance à entasser, à additionner, tout se joue ici dans de savantes soustractions : les arrangements sont bien présents mais osent parfois n’être que suggérés, vestiges d’un long processus d’élimination.
Metronomy invente une pop sans sucre, sans gras, allégée et pourtant hautement calorique (sous les T-shirts, sous les maillots), à la consistance assez insolite : carapace rigide mais coeur fondant. Fidèle à un son étalonné sur dix années de recherches, Metronomy le sublime comme on gonflerait un film super-huit pour une projection Imax : de la lo-fi en hi-fi.
La nouveauté flagrante, c’est que sans sacrifier à son allure frêle et hurluberlue, la musique de Mount se préoccupe ici systématiquement de songwriting, là où elle se passionnait tant pour le design sonique, le gimmick imparable. Une véritable libération pour un groupe débarrassé de toutes ses autolimitations arty, qui renonce au presque sabotage de sa pop. “We broke free” (“Nous nous sommes libérés”), murmure une chanson : c’est effectivement la grande évasion, fleur au fusil.
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