On aime beaucoup, beaucoup beaucoup beaucoup les Californiens Dodos. Avant la chronique, on présente donc ici leur magnifique Time to Die en une grosse poignée de morceaux piqués sur YouTube, et le groupe explique ses idées passionnantes dans une longue interview.
Quand a commencé l’écriture de Time to Die ?
Logan : Certaines des chansons viennent de sessions qui se sont déroulées juste après l’enregistrement de Visiter. On a aussi trouvé quelques idées, quelques bouts de chansons pendant les tournées qui ont suivi Visiter. Mais c’était vraiment basique, ça flottait plutôt loin de nous. Tout s’est surtout déroulé quand nous sommes rentrés chez nous, pendant la période de deux mois dont parlait Meric à l’instant : on a réellement écrit à ce moment.
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Vous aviez besoin de rester dans le mouvement, vous vouliez enchaîner tout de suite, faire vite ?
Je n’ai pas eu l’impression que les choses soient allées très vite. J’aurais sans doute pu prendre des vacances, ça aurait été tout aussi agréable, mais on voulait vraiment aller vers de nouvelles chansons.
Meric : C’était presque un besoin. Dans l’après Visiter, on s’est dit qu’on avait deux options : aller très vite, ou au contraire prendre notre temps. Mais on avait déjà ces horizons en tête, tout était assez clair, l’envie et l’excitation était là.
Quand Keaton a-t-il rejoint le groupe ?
A peu près un mois avant qu’on commence l’enregistrement.
Logan : La plupart des chansons étaient alors prêtes au trois quarts, voire terminées. Nous avions quelques idées pour placer le vibraphone, mais dès que Keaton est arrivé, toute l’attention s’est portée sur lui. On a clairement arrêté de bosser comme un duo, et on a commencé à se concentrer sur sa relation, sur le fonctionnement qu’on pouvait adopter avec un nouveau membre. Nous avions un nouvel instrument –et ce n’est pas une petite chose, un vibraphone est massif, c’est comme ajouter un piano dans un groupe. On a pris un peu de temps pour définir son rôle, pour tout faire coller ensemble.
Même psychologiquement, ça a été un sacré changement ?
Meric : On avait déjà eu cette expérience avant : quand nous sommes partis en tournée pour Visiter, notre ami Joe avait déjà ce rôle. On a voulu l’intégrer définitivement à la formation, mais ça n’a pas marché. Mais je suis d’accord : avoir un troisième membre, en tant que duo, a été pour nous un gros risque. Je savais que je voulais un vibraphone. Il fallait trouver quelqu’un : on a trouvé Keaton, mais il est assez différent de nous.
Logan : Une chose est claire : il est extrêmement doué dans tout ce qu’il fait. Il est très bon rythmiquement, il est très fort en harmonies vocales, et surtout il a très vite compris et intégré la manière dont on travaille. Il nous a rejoints juste avant l’enregistrement, et il a été capable de nous accompagner au vibraphone vraiment rapidement, on en était très surpris. Cette rapidité pour apprendre les choses est assez enviable.
Meric : Je dois avouer que ma patience pour apprendre des choses à d’autres est extrêmement limitée –d’autant plus sur des chansons que je ne voulais plus vraiment entendre. Mais pouvoir le faire aussi facilement avec Keaton, qui est en plus bourré d’idées, a été totalement rafraîchissant.
Pourquoi un vibraphone, en particulier ? Qu’aviez-vous en tête ?
Le vibraphone est un instrument à la fois percussif et mélodique. C’est un instrument étrange, et je cherche encore à comprendre tout à fait comment il « fonctionne ». Avant de l’ajouter au mix, je crois qu’on avait une vision un peu merveilleuse du vibraphone ; je me souviens de la première fois où mon père a joué du vibraphone, ça m’avait terriblement impressionné. Et ensuite, il était très clair dans ma tête qu’on avait besoin de ça, et de rien d’autre, dans notre musique. « L’instrument le plus génial au monde ! » « Oui, c’est totalement logique ! » Mais la réalité a quand même été différente quand le vibraphone est arrivé parmi nous. C’est un gros instrument, et sa sonorité peut tout couvrir, comme une couverture, un halo. Ce qui a assuré la présence du vibraphone sur cet album, et comme une partie intégrante de ce que l’on fait, est qu’on a découvert comment faire passer son son au travers d’équipements électroniques ; donc de jouer avec à notre guise. On peut le faire sonner presque comme une guitare, ça donne un peu plus de caractère à la chose, ça la rend plus flexible, plus facile à intégrer.
Vous avez aussi déclaré vouloir écrire un disque plus « rock » : qu’entendiez-vous par là ?
Le terme rock est assez large. Mais j’imagine que ce qu’on voulait dire est qu’on voulait se concentrer sur les aspects les plus lourds du groupe. Ce qui est assez étrange, parce que le disque, au final, n’est pas si lourd. Mais c’est la direction qu’on voulait prendre. L’autre élément est notre travail avec le producteur Phil Eck : on savait que ce ne serait pas notre album expérimental, tu ne fais pas un disque expérimental avec Phil Eck, ce serait l’idée la plus stupide de l’histoire… On voulait faire un vrai « album à la Phil Eck », utiliser son savoir autant que possible.
Que pouvez-vous me dire de son travail et de son influence ? Son exigence a un peu ralenti le processus, non ?
C’est un perfectionniste. Clairement. Et ça a effectivement ralenti notre rythme. Il a cette idée de disques qui doivent toucher à la perfection la plus pure. La manière dont nous faisions nos albums avant lui était assez différente, mais cette fois nous voulions, comme lui, quelque chose de plus léché, d’une certaine manière. Il peut effectivement être un peu sévère, de temps en temps. C’est parfois un peu frustrant : c’est toi qui joue, ça met pas mal de pression. Mais à aucun moment Logan ou moi ne nous sommes dits que ce n’était pas positif pour nous, pour la musicalité de notre album.
Time to Die part d’une volonté de mettre l’accent sur vos aspects les plus lourds, mais l’album semble au final plus léger, plus brillant que Visiter…
Logan : Le terme que tu utilises, « plus léger », est important. Je suis plutôt d’accord avec ça. Et je mets ça au crédit de la production. Des chansons comme Small Deaths, ou la face-B Company, This is a Business étaient originellement ce que nous avions en tête, nos nouvelles directions. Des chansons d’un nouveau type. Et dans ma tête, elles étaient effectivement plus lourdes que les précédentes. Au final, je les trouve finalement plutôt alertes… Mais nous ne sommes pas les meilleurs juges de notre propre musique.
Drôle de question, mais quand vous écrivez, ou quand vous jouez, vous sentez-vous connectés à quelque chose ; la nature, des esprits, quoi que ce soit ?
Quand nous sommes à notre meilleur niveau, je sens que nous touchons un sentiment très précis, très particulier ; nous nous approchons d’une sorte de bonheur absolu, d’espoir, d’excitation positive. Je sens à ce moment précis que je suis en train de participer à quelque chose qui affirme mon existence –et j’espère que les gens qui nous écoutent accèdent aux mêmes émotions. Mais la tragédie de la musique est qu’on ne peut pas toujours atteindre ça.
Meric : Je ne sais pas si c’est possible, mais je repense à des concerts où je suis allé, et où je n’accédais pas à un sentiment particulier, mais au contraire à une montagne de sentiments divers, indéfinissables ; j’espère aussi qu’on peut parfois provoquer ça chez ceux qui viennent nous voir.
Et ce titre, Time to Die ?
« Time to die » est quelque chose que je dis pour plaisanter, très souvent, depuis assez longtemps. Je joue au poker, je mise tout ce qu’il me reste ; c’est la phrase que je dirais. Au départ, j’y ai pensé pour l’album, mais l’idée me semblait un peu grosse, elle m’intimidait un peu. Mais en même temps, il se passait pas mal de choses, on partait dans une nouvelle direction, on prenait un risque en faisant entrer Keaton dans la formule, je ne savais pas vraiment où on allait arriver. Alors « fuck it » : ça revenait à mon expression, « time to die ».
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