Pour accompagner une écoute de Sea of Cowards, disponible ici-même, longue interview de Jack White dans laquelle il revient sur son super groupe, son deuxième album et ses divers projets personnels.
Et les deux autres membres ? Tu disais qu’il n’y avait pas de question d’ego, mais ils jouent tous les deux avec des membres beaucoup plus célèbres.
Je connais Jack depuis des années, on a beaucoup collaboré ensemble, on a joué ensemble de nombreuses fois. Dean, même chose : on s’est beaucoup croisés ces dix dernières années, on a tourné ensemble, il est de Detroit, on se connaît très bien. On a joué devant 5 personnes dans des bars vides, on joue maintenant dans des salles pleines, on a aussi dépassé ce genre de question depuis longtemps… La différence majeure est qu’au sein de The Dead Weather, nous écrivons tous les quatre –ça change tout, et ça apporte énormément.
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Le fait que chacun ait sa part explique-t-il l’explosivité des morceaux du groupe, par les énergies accumulées, les idées décuplées ?
Je pense, oui. La dynamique est extrêmement différente quand tous les membres d’un groupe peuvent participer à l’écriture des morceaux. J’ai produit ces deux albums, mais je les ai produits en tant que batteur, alors que je produis d’habitude des disques en tant que chanteur ou guitariste –c’est aussi un point de vue radicalement différent. Alison écrit ses paroles en live, dans la pièce où les autres jouent –c’est très différent de ce qui se passe dans les Kills, le processus d’écriture y est très différent. Ecrire en live est aussi quelque chose de très nouveau pour Dean et Jack. C’est une vrai terre à explorer pour quatre songwriters…
Et que peux-tu me dire de la différence entre la production d’un album en tant que batteur et la production d’un album en tant que chanteur ?
C’était pour moi quelque chose de très attirant, voire d’irrésistible. Je l’ai aussi fait pour l’album de Karen Elson et celui de Wanda Jackson, même pour la chanson enregistrée avec Alicia Keys pour James Bond. Le point de vue sur la chanson est totalement différent, on se retrouve à la base même de sa structure, l’intérêt pour les rythmiques et la dynamique change totalement. J’avais toujours pensé que le fait de commencer ma carrière de musicien en tant que batteur était quelque chose d’important. C’est ce que j’ai fait, changeant pour la guitare et le piano un peu plus tard à l’adolescence. Tu commences par les rythmes et par la puissance que tu peux y mettre, et cette puissance peut ensuite être transférée à la guitare ou au piano ; je joue vraiment de la guitare comme je joue du piano.
Et que cette puissance soit finalement revenue à la batterie peut explique, en partie, la puissance de The Dead Weather ?
Je pense que cette intensité est simplement quelque chose qui vient totalement naturellement quand nous quatre jouons ensemble. Quand nous avons commencé, notre son était déjà une sorte de blues extrêmement lourd ; personne n’avait dit « OK, essayons de jouer comme ci, d’écrire des chansons qui ressemblent à ça ». On écrivait, et ça venait comme ça. C’est très intéressant : tu n’as rien à dire ou demander aux autres, les choses viennent comme elles viennent, c’est très attirant et très excitant. Ca explique aussi pourquoi le deuxième album est venu si vite après le premier.
Prends-tu plus de plaisir au sein de The Dead Weather qu’au sein de tes autres projets ?
C’est difficile pour moi de répondre à ça. J’ai toujours eu un peu de mal avec ces termes, « plaisir » ou « fun » quand on parle de musique. Car je dois souffrir et me battre quand je travaille, quand je crée quelque chose. S’il n’y a pas de lutte, je sens que les choses deviennent trop simples, automatiques, tout perd de sa saveur et je m’ennuie assez sérieusement. Je ne fais pas ce que je fais pour avoir l’impression d’aller à Disneyland, si je veux avoir du plaisir avec mes amis, je vais plutôt voir un match de baseball, ou quelque chose comme ça. Je ressens la musique comme un combat, du travail dur, la recherche de nouvelles terres –et c’est quelque chose qui n’a pas à être agréable ou facile. Et si jamais je suis en studio ou sur scène, que je joue avec mes camarades et que je prends du plaisir, j’ai l’impression que la musique va être affreuse…
Mais cette lutte est peut-être plus physique qu’intellectuelle, avec The Dead Weather, notamment par ton retour à la batterie ?
Oui, le fait que je joue d’un instrument dont je n’ai pas vraiment joué depuis 15 ans alors que les autres font ce qu’ils ont l’habitude de faire est un vrai challenge pour moi. Même physiquement, il me faut être au top, me mettre à la page. Sur scène, si je fais une boulette, ça s’entend très directement par tout le monde –ce n’est pas forcément le cas pour un guitariste ou un bassiste. D’autant plus que j’ai designé moi-même mon kit de batterie, et qu’il est difficile d’en jouer ; j’ai presque du mal à en atteindre les éléments avec mes bras… Je l’ai fait à dessein. Je voulais vraiment que ça reste difficile, je voulais émuler la complexité de jouer de la batterie au cas où je m’y habitue trop vite, je voulais que ça se voie sur scène ; c’est toujours plus intéressant pour ceux qui regardent. Si les choses sonnent bien sans travail ni effort, aucun intérêt, ni pour celui qui joue, ni pour celui qui regarde.
[attachment id=298]Vous avez très vite enchaîné sur Sea of Cowards après Horehound. Il n’y avait pas d’objectif particulier, une direction que vous vouliez prendre ?
Tout a été très soudain, tout s’est très vite enchaîné –une boule de neige se transformant en avalanche… On a écrit, puis on s’est dit, avec mon nouveau label en train de se monter, que ce serait intéressant de sortir un single, on a joué quelques concerts, on a écrit d’autres morceaux, suffisamment pour sortir un album, ce que l’on a fait, puis on a tourné un peu plus longuement, et on a écrit, naturellement ; et tout ça a mené vers un deuxième album, sans calcul particulier. La seule raison pour laquelle on fait cela est la musique, parce qu’elle a un pour nous un sens, parce qu’elle nous attire –pas parce qu’un label ou un manager nous pousse à le faire pour faire plus d’argent. Nous avons travaillé comme des bêtes pendant un an, on a fait deux albums, on a tourné dans le monde entier : et, sans cesse, une énergie folle se dégageait de ce qu’on faisait. C’est bien plus passionnant que de prendre trois ans entre deux albums, ce qui aurait été le cas si on avait décidé de ne pas poursuivre sur la lancée…
Justement, si vous avez poursuivi sur cette lancée, sans réelle réflexion ni direction, comment expliques-tu les différences entre Horehound et Sea of Cowards ?
Rien ne fait plus progresser un groupe que le fait de tourner et de jouer régulièrement ensemble. Je me souviens de groupes à Detroit, que je voyais jouer des concerts dans la ville, ça sonnait OK, mais ils partaient ensuite pour une tournée, revenaient et étaient alors bien meilleurs qu’ils ne l’étaient initialement. La seule chose qu’ils aient faite pour trouver cette cohérence et cette énergie était 10 dates dans d’autres villes… C’est aussi ce qui s’est passé pour nous. Je crois aussi que l’écriture de Dean et Jack, qui n’écrivent généralement pas dans leurs autres groupes, a aussi progressé avec nos tournées, nos concerts, nos expériences communes. Ils ont l’énergie et les idées nécessaires pour apporter de nouvelles choses au groupe, en permanence. J’ai de mon côté progressé à la batterie, ça m’a donné envie d’écrire un peu plus de lignes rythmiques, de changer quelques trucs. Tout cela nourrit le fait que nous ne voulons de toute façon pas nous répéter, que nous cherchons toujours à nous diriger ailleurs. Et les éléments funk, les gros beats, les bouts de hip hop sont pour Alison un changement important, une nouvelle perspective dans laquelle elle doit s’inscrire et évoluer. Il y a pas mal de morceaux lourds sur Sea of Cowards, mais je trouve aussi que l’album est plein d’une âme assez nouvelle, raffinée ou plus audible par rapport à celle de Horehound.
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