Ça commence par un incendie et ça s’achève dans l’incandescence. Une nouvelle édition luxueuse éclaire sous un jour nouveau le dernier des grands albums de The Cure, paru en 1989. Récit et écoute intégrale.
L’autre événement, c’est la chute libre de Lol Tolhurst, le batteur originel passé aux claviers et dont l’addiction cumulée à l’alcool en quantité inhumaine et aux drogues provoque quotidiennement des incidents tels que Smith se retrouve contraint de débarquer en cours d’enregistrement cet ami d’enfance avec lequel il avait jusqu’ici tout partagé.
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Parti sur les chapeaux de roue, le huitième album de Cure multiplie ainsi les avaries, et c’est probablement de cette tourmente que jaillira son incomparable lumière. Car Disintegration, publié en mai 1989, est bel et bien le disque le plus intensément lumineux du groupe, en dépit de ses apparences comateuses. Une luminosité venue de l’intérieur, des abysses parfois, comme celle des lampes magiques dont les chansons constitueraient les ombres portées.
Si “désintégration” il y a, sans doute est-ce celle de l’astre noir qui obstruait la partie la plus sensible du cerveau de Robert Smith. Les gerbes étoilées d’où se dégagent les deux titres d’ouverture, Plainsong et Pictures of You, suggèrent cette volonté cathartique qui prendra plus d’une heure à s’accomplir.
On réécoute donc vingt ans plus tard Disintegration sans se laisser abuser par les clichés en cours à sa sortie – qui présentaient un Bobby ayant replongé à pic dans la dépression –, au contraire ébloui par sa beauté ankylosée mais tranquillisante, ses longues intros profondes comme des forêts aux sortilèges, sa quête permanente du merveilleux, sa puissance féerique. Accueilli avec des tronches d’enterrement par la maison de disques – notamment aux Etats-Unis –, qui pensait courir à la catastrophe industrielle, l’album sera finalement un carton mondial.
Des quatre singles extraits, Lullaby et Lovesong représentent le versant pop le plus inoubliable de Cure, tandis que Fascination Street incarne sans doute la chanson-étalon qui agrège toutes les époques du groupe. Avec ce chef-d’oeuvre et la triomphale tournée qui l’accompagna, The Cure entama les années 90 sur le toit du monde. Sa désintégration, lente et inexorable, commença pourtant à ce moment-là.
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