The Cult, légende électrique du rock anglais, revient le 5 février avec « Hidden City ». En avant première, Ian Astbury et Billy Duffy évoquent ce retour en force, et un titre inspiré par les attentats de Paris. L’entretien a été réalisé avant l’annonce de la mort de David Bowie.
zVous avez écrit Deeply Orderered Chaos dans la foulée des attentats contre Charlie Hebdo. Les thèmes que vous y abordez étaient étonnamment visionnaires.
Ian Astbury – J’adore Paris, je suis un authentique francophile. J’ai vraiment été estomaqué par la manière dont ces événements m’ont touché en regardant les images. C’était une attaque contre la culture. Contre la liberté de penser et de s’exprimer. L’absurdité de l’attaque contre le Bataclan est qu’elle était dirigée contre un public cultivé. Or ce public était précisément celui le plus apte à entendre des voix différentes, à traiter d’autres opinions avec empathie. Comment peut-on imaginer l’avancée de ses idées en tuant d’autres êtres humains, les plus capables peut-être de vous écouter ?
Billy Duffy – Ian peut être visionnaire : deux mois après l’écriture de War Beyond Good & Evil, les Twin Towers étaient attaquées. Nous avons souvent joué au Bataclan et je connais très bien le quartier. Comme Ian, je mesure l’ironie de ces attaques contre les gens les plus ouverts et libéraux. Ça n’a aucun sens.
Le nouvel album refuse les vieilles ficelles, il semble très ambitieux.
IA – Nous avons tous beaucoup grandi : moi en tant que songwriter, Billy en tant que compositeur et guitariste. Il est devenu une sorte de Mick Ronson (David Bowie etc)… Cette fois, nous avons senti qu’il se passait un truc, ce n’est pas seulement un disque de rock’n’roll, nous avons ménagé beaucoup d’espace pour que l’émotion la plus honnête s’épanouisse. Ça ne relève plus de la seule performance, mais de la vraie vie.
BD – Ça ne marche pas quand nous ressassons. C’est ce qui s’était passé sur Ceremony : nous venions de vendre des millions de Sonic Temple et nous avons essayé de faire la même chose. Ce n’est pas une manière de procéder.
IA – Je continue de découvrir l’artisanat du songwriting. Quand j’ai rejoint les Doors en tant que chanteur sur Doors Of The 21st Century, la première chose qu’ont proposé Ray Manzarek et Robbie Krieger a été de me mettre à poil : on ne m’avait jamais encore disloqué à ce point, j’ai vraiment appris à m’infiltrer dans les chansons, à trouver l’espace à l’intérieur. The Cult, ça a toujours été un groupe dense soniquement, alors que les Doors étaient plus théâtraux, influencés par la musique classique, avec une emphase sur la mélodie. J’ai commencé à ramener cette influence chez The Cult.
Vous avez toujours été énormément influencés par David Bowie.
IA – David Bowie est un artiste auquel je reviens toujours. Je me souviens de la première fois que je l’ai vu, j’avais dix ans. Le lendemain je me faisais virer de l’école car je m’étais foutu du colorant alimentaire dans les cheveux. J’ai toujours été subjugué par Bowie et il est même devenu une espèce de mentor pour moi. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1985 : il était incroyablement généreux, aussi bien en temps qu’en énergie. Il a reconnu non seulement la personne mais aussi l’artiste qui était en moi. C’était la première fois dans ma carrière que je me sentais considéré en tant qu’être humain. Ce moment était vraiment très important. Je me revois encore assis dans le métro à Brixton, perdu dans mes pensées à me demander : « Est-ce que ça vient vraiment de se passer ? ». Bowie était un lecteur vorace, il absorbait un maximum d’énergies différentes. Et c’est très important pour les artistes de la nouvelle génération de suivre le chemin qu’il a dessiné.
Nouvel album Hidden City, sortie le 5 février chez Cooking Vinyl
Propos recueillis par Andy Hollis / Traduction JD Beauvallet