Réédition faramineuse des premiers singles des Cramps : le rock’n’roll à l’état impur.
En ce moment, à la télévision, une publicité pour un gros véhicule asiatique utilise en bande-son le Human Fly des Cramps, rendu présentable par une reprise mi-molle d’Hanni El Khatib. Comment introduit-on une chanson des Cramps à la télévision française ? En l’émasculant. En la castrant de son érotisme exorbitant, de sa saleté repoussante, de son effronterie supérieure, de son électricité vérolée, de ses manières gougnafières, de sa folie sans collier.
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Pour rendre les Cramps présentables, il faut donc les “décrampser” jusqu’à l’os : autant demander à Céline d’écrire pour Okapi. Un ami, perdu de vue depuis le début des années 80, me demandait récemment si j’écoutais toujours des trucs “comme les Cramps”. Je n’ai jamais écouté de trucs “comme les Cramps” : j’ai écouté les Cramps. Et assisté à des concerts absolument inouïs, sauvages, dangereux, sans limites.
C’était Elvis, plein de vice : tout le rock’n’roll contenu dans un petit string de cuir, au bord de l’explosion. Dans le genre rock’n’roll abrupt et malade de la braguette, tout sembla tiède ensuite, convenu, poli, joli. Jon Spencer excepté, on n’a pas souvent eu l’occasion de grimper aux rideaux, le diable aux trousses, le feu au ventre, la peur aux tempes.
Bien sûr, il y a eu de bons singles de rock’n’roll des cavernes depuis, éparpillés entre White Stripes, Black Keys ou Black Lips pour ne citer qu’eux. Mais quel groupe peut revendiquer une brochette de premiers singles aussi terrifiante, bordélique, jouisseuse et cataclysmique que celle présentée ici par les Cramps en trois ans ?
Reprises fondues en originaux ou originaux honteusement chouravés sur les ruines de rock, on retrouve là Surfin’ Bird, Human Fly, Garbage Man, Goo Goo Muck ou The Crusher. Soit les saintes écritures d’un rock de série Z (comme zob), atteignant une intensité, une gravité, une sauvagerie et une loufoquerie qu’eux seuls savaient équilibrer. Cette belle compilation est titrée “Rangez dans le bac musiques sacrées”. On peut aussi la ranger avec les musiques massacrées.
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