Grands espoirs du rap américain, les Cool Kids ont failli se perdre : ils nous font aujourd’hui perdre la tête. Critique.
Le premier album des Cool Kids a failli ne jamais voir le jour. Depuis la sortie du single Black Mags (2007), le crew s’est paumé en annonces, annulations et changements de label jusqu’à laisser penser que tout était fini. Il n’en était rien, et le méchant attirail rapologique que trimballe aujourd’hui le duo de Chicago légitime ces chemins de traverse.
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Les collaborations souterraines et les contacts liés avec Kanye West, Curren$y, Drake ou le singe Yelawolf ont en effet forcé la présence sur ce disque de Bun B, Mayer Hawthorne, Ghostface Killah ou Pharrell Williams, donnant à Chuck Inglish et Sir Michael Rocks la hauteur nécessaire pour dépasser le public de twitto-nerds qui les suivait jusque-là. Mieux, les gamins ont dépassé entre temps les breaks un peu cheap de leur ep The Bake Sale (2008), inventé un corps de mélodies racées et affirmé un feeling neuf qui enrichit leur identité.
Armé d’un minimalisme un peu cradingue, le duo revisite son funk digital sur le fil de structures évolutives, travaillant des constructions en kit bourrées de ruptures, de breaks inopinés qui forcent un groove assoupli. Repeint de samples robotiques et de synthés froids, When Fish Ride Bicycles se faufile ainsi entre un rap digital millésimé 80 et un funk dance-floor aux émotions glacées, idéal pour breaker en doudoune dans les rues de Windy City.
En dépit des flows monocordes, le choix pertinent des invités vivifie la fête : les rimes cinglées de Ghostface, le gangstérisme pittoresque de Bun B et les codas de Mayer Hawthorne, qui traîne ses soleils soul sur les lacs gelés, pimentent la fête robotique. Mélange dosé de rap underground et de névroses vintage étudiées en autodidacte sur YouTube, When Fish Ride Bicycles semble un carrefour intergénérationnel, un disque d’aujourd’hui bercé de nostalgie, fruit de l’ambition étrange de deux gamins dégoûtés d’être nés trop tard, de ne pas avoir eu leur Marley Marl ou leur Bambaataa, et qui réinventent ce passé fantomatique sans pouvoir passer à travers le modernisme dans lequel ils ont grandi.
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