The Columbia Years (1962-68)

Cette excellente anthologie de trois disques offrant un panorama thématique intelligent et pertinent des années Columbia (1962-1968) de Thelonious Monk arrive à point nommé pour réhabiliter une période souvent mal perçue dans la carrière du pianiste, hâtivement jugée répétitive et monotone par ses détracteurs pressés. En fait avec le recul, ces années prolixes apparaissent au contraire comme la dernière grande période de créativité du pianiste le produit d’un formidable retour critique de Monk sur son propre univers. Trouvant en Charlie Rouse, l’interlocuteur idéal (un saxophoniste au style à la fois véhément et velouté, anguleux et curieusement éthéré ; une sorte de rêveur terrien qui s’insinue comme personne dans la logique labyrinthique de ses harmonies, se joue avec grâce de ses chausse-trappes rythmiques, parfaitement à l’aise dans les méandres de ces mélodies faussement bancales à équilibre instable) Monk s’engage dans une refonte radicale de son orchestre, très peu perçue à l’époque, modifiant les lignes de force, bouleversant les équilibres, accaparant de plus en plus la place de soliste, faisant du saxophoniste un élément de la section rythmique ? bref, réinventant littéralement l’esthétique du quartette. Ce qui s’impose à l’auditeur d’aujourd’hui, c’est bien la sensation que derrière le classicisme apparent de ces nouvelles versions, au-delà de l’impression superficielle de  » déjà-entendu « , Monk continue d’innover et d’ouvrir de nouvelles perspectives à sa musique, en travaillant non pas sa matière mais son outil. A l’arrivée ces années Columbia loin d’être cette phase de stagnation si souvent caricaturée se présentent au contraire comme un moment fondamentalement dynamique de la trajectoire du pianiste.

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