Il y a quelques années, lorsque Tortoise et celui qui se faisait encore appeler Will Oldham se partageaient les premiers rôles dans les nouvelles galeries souterraines de la musique américaine, les uns au rayon post-rock, l’autre dans la réserve néo-country existentielle, une telle double affiche aurait fait sensation. Néanmoins, en 2006, Tortoise ne figure plus […]
Il y a quelques années, lorsque Tortoise et celui qui se faisait encore appeler Will Oldham se partageaient les premiers rôles dans les nouvelles galeries souterraines de la musique américaine, les uns au rayon post-rock, l’autre dans la réserve néo-country existentielle, une telle double affiche aurait fait sensation. Néanmoins, en 2006, Tortoise ne figure plus tout à fait aux avant-postes du rock et Oldham a tellement alterné les disques indispensables et les rogatons qu’il ne constitue plus une caution forcément fiable.
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Aux antipodes l’une de l’autre musicalement, ces deux entités majeures de la dernière décennie possèdent pourtant depuis longtemps, sur un plan humain, des couloirs de correspondance. Une fois ces figures reliées pour de bon, on était en droit de s’attendre à un véritable croisement entre les paysages sonores diffractés chers à la cellule grise de Chicago et le chant magnétique de Bonnie Prince Billy, postulat forcément excitant.
Le choix d’un terrain neutre, celui d’un album de reprises parfois iconoclastes (de Springsteen à Devo), augmentait les chances d’une collusion fertile. Elle a effectivement lieu sur le dos de ce brave Elton John, dont l’affable Daniel de 1973 se retrouve travesti en créature reptilienne naviguant à l’intérieur d’un marécage de sons circulaires et de guitares en abyme qui paraissent lui dévorer les chairs au ralenti. Etonnante également, la version comateuse du Thunder Road du Boss ? un véritable feu de Bruce ?, tiraillée par des synthés vintage qui lui donnent un côté Grandaddy sous morphine assez amusant.
Souvent relégué au rôle de simple backing-band, Tortoise n’est pas vraiment dans son élément lorsqu’il se force à camper les idiots punk-rock (It’s Expected I’m Gone des Minutemen, That’s Pep de Devo) au lieu de déployer son jeu tout en confluences et liaisons, sensuelles et sensorielles.
Dans ce registre-là, (Some Say) I Got Devil de l’oubliée Melanie est une belle réussite, tout comme le déchirant Pancho, chanson interprétée sur le tard par le countryman Don Williams ? sur la BO de Cisco Kid ? et qui méritait bien cette nouvelle mise en lumière.
Finalement plus à leur aise dans la sobriété que dans l’outrance, les protagonistes de ce disque récréatif ? qu’ils comparent aux Basement Tapes, ce qui est très exagéré ? ont pourtant cherché à se faire violence, notamment en revisitant dans sa langue d’origine Cravo e Canela du Brésilien Milton Nascimento, pour un résultat parfumé quoiqu’un brin cacophonique.
On les sent d’ailleurs bien moins empruntés lorsqu’ils se contentent de faire allégeance à leurs contemporains les plus proches : Lungfish et Quix*o*tic, traités avec plus d’égards qu’Elton ou Bruce.
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