On le savait, Octavian est un musicien partageur, on connaissait moins en revanche l’esprit collaboratif du duo The Blaze. Avec le single “Somewhere”, première collaboration du duo électro français, ils prouvent, s’il le fallait encore, que l’alchimie peut naître de n’importe quel assemblage musical. On s’est posé avec les trois intéressés pour parler du bled, de la scène anglaise, et de jalousie.
On a connu The Blaze en 2017 avec Territory et Virile, deux clips sortis l’un après l’autre… Est-ce que lâcher ce genre de format en one shot, comme ce nouveau single, est votre façon de travailler favorite, plutôt que le format album par exemple ?
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Guillaume : Oui, même si ces clips ont ensuite été intégrés dans un EP. Disons que pour un featuring, on préfère fonctionner comme ça.
Jonathan : Prévoir un album, raconter une histoire, ça prend beaucoup de temps. Pour Dancehall (leur unique album à ce jour – ndlr), on a fait quarante tracks pour n’en sortir finalement que dix. Le single a un côté instantané qu’on apprécie, effectivement.
Vous collaborez peu avec d’autres musiciens…
Guillaume : C’est même la première fois.
Jonathan : Dès le début du projet The Blaze, on savait qu’on avait plein d’histoire à raconter à deux, on voulait faire les choses ensemble. Mais on commence à s’ouvrir, progressivement.
Quelles étaient les connexions entre vous trois avant de faire cette collaboration ?
Guillaume : Aucune, on s’est rencontrés sur cette collaboration. On écoutait la musique d’Octavian, on connaissait bien ce qu’il faisait, mais c’est tout.
Et le fait de collaborer avec un artiste anglais…
Octavian : (il coupe) Mais l’endroit d’où je viens n’a pas d’importance ! Si on me voit comme un artiste anglais, il va falloir que je représente quelque chose d’anglais, on va me mettre dans une catégorie qui va orienter ma musique. Je ne veux pas que les gens me voient comme un Anglais, mais comme Octavian. Je ne suis ni Anglais, ni Français. Je suis né en France, mes parents viennent de Côte d’Ivoire, j’ai vécu à Lille puis à Londres. Je me vois à travers tout ce parcours, pas seulement un pays.
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Tu as donc vécu à Lille, est-ce que cela veut dire que la musique française occupe une place importante dans ta vie ?
Octavian : Oui, de plus en plus importante. Plus je prends de l’âge, plus je prends conscience de mes racines françaises. J’apprécie donc mieux la musique française, de jour en jour. The Blaze fait partie de cela. Mais je crois surtout que les artistes français représentent mieux l’Europe que quiconque, il y a ce côté central qui joue beaucoup. Ils ont des clips fantastiques, des genres musicaux à eux, du style…
On parle de nationalités, The Blaze aussi est un groupe qui va bien au-delà de cette notion. En voyant le clip de Territory sortir, beaucoup ont même pensé que vous étiez Maghrébins…
Jonathan : Oui, d’autres pensaient qu’on était les deux acteurs du clip de Virile aussi (rires).
Guillaume : Le retour aux sources que montre Territory est universel. Là, c’est l’Algérie, mais ça aurait pu être n’importe quel bled dans lequel quelqu’un aime revenir, à besoin de revenir.
C’est où vos bleds ?
Guillaume : La Nièvre, un petit village.
Jonathan : Evreux, en Normandie.
En Angleterre, les scènes électroniques et rap ont l’air d’être plus proches qu’en France, non ?
Octavian : Oh, non, au contraire ! C’est totalement séparé. Il y a de la house, de la grime, du rap… Mais le rap est encore très nouveau là-bas. Avant, il y avait du garage, avant il y avait de la dubstep, et encore avant du ragga. Mais tout était très cloisonné, ceux qui écoutaient du ragga n’écoutaient pas de house. Cette mentalité est restée en Angleterre, et perdure aujourd’hui.
Est-ce que ces scènes ont nourri la musique de The Blaze ?
Guillaume : Pas plus qu’une autre, on écoute des morceaux sans s’attacher à savoir d’où ils viennent, de quel pays, de quel genre.
On ressent tout de même des influences. Pour ce titre, Somewhere, il y a Jamie xx par exemple…
Guillaume : Jamie xx est une référence, clairement. Un titre comme Gosh notamment nous parle beaucoup. Il y a cet alliage électronique avec des beats trap et une montée très intense, très massive. En plus, il a été clippé par Romain Gavras.
Forcément, on attend un clip pour Somewhere…
Guillaume : Il ne faut jamais dire jamais, mais on a préféré le sortir comme ça, en one shot, sans en faire plus. Pour nous, le clip a quelque chose de très intime, qui représente en moyenne six mois de travail.
The Blaze est souvent vu comme un groupe dans sa bulle, assez énigmatique… Vous cultivez cet aspect ?
Guillaume : Oui, on a ce côté discret, concentrés, on le cultive.
Jonathan : Et ça permet surtout de garder les pieds sur terre.
D’ailleurs, vous ne vouliez pas faire d’interviews à vos tout débuts…
Jonathan : Oui parce qu’on s’exprime non seulement à travers la musique, mais aussi par les images. C’est difficile d’expliciter des choses si personnelles. Ça n’était pas forcément pour cultiver le mystère, mais les gens l’ont interprété comme ça, et ça nous convenait très bien (rires).
Octavian, tu as sorti une excellente mixtape cet été, Endorphins, quels sont tes projets pour 2020 ?
Octavian : J’ai un album qui arrive, il est en train d’être finalisé. On va sortir des singles mais puisque je suis très éclectique dans ma musique, il va falloir en faire plusieurs pour cadrer le truc. Il va y avoir des collaborations avec des artistes très rap, des sons plus soft… Je veux tester des choses, voir aussi ce que le public attend.
Tu as écrit le texte de Somewhere… Est-ce que vous avez discuté tous les trois d’une direction à prendre, d’une thématique ?
Guillaume : Non, Octavian avait carte blanche. On respecte sa fibre artistique, sa poésie, on a fait l’instru et on lui propose un terrain pour s’exprimer, c’est aussi simple que cela.
On sent la jalousie, la possession dans ce texte…
Octavian : Ça parle d’une relation, et dans toutes les relations, que ce soit avec un homme ou une femme, il y a toujours des complications qui peuvent être très diverses. J’essaie de toutes les cerner pour que les gens puissent les relier à leur propre existence. La jalousie, l’ego qui est élevé dans toute relation… On cherche en permanence à prouver à l’autre qu’on vaut la peine, qu’on est quelqu’un. C’est comme ça que viennent ensuite la jalousie, et l’amour.
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Dans une précédente interview de The Blaze pour les “Inrocks”, vous disiez que les musiques électroniques étaient un bon moyen de raconter des histoires en musique. Qu’entendiez-vous par là ?
Jonathan : Je pense que l’autre parfait exemple est la musique classique, qui nous inspire énormément, notamment pour nos clips. Les musiques qui n’ont pas de parole permettent de se projeter, de partir très loin, d’imaginer des choses.
Guillaume : Chacun peut se raconter sa propre histoire, ça c’est extrêmement important, peut-être plus qu’une histoire racontée explicitement. On fait de la musique émotive, et Somewhere, même avec l’intervention d’Octavian, a été créé dans cette optique.
Propos recueillis par Brice Miclet
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