Detroit 1966 : enfin rock’n’roll et terrorisme allaient trouver un terrain d’entente, pas un consensus mou, plutôt un programme commun d’assaut et de destruction. Enfin, le chaos rencontrait son application binaire, dont l’onde de choc, un tiers de siècle plus tard, continue de ravager le petit monde sonique. Ce Big bang aurait pu n’être qu’une […]
Detroit 1966 : enfin rock’n’roll et terrorisme allaient trouver un terrain d’entente, pas un consensus mou, plutôt un programme commun d’assaut et de destruction. Enfin, le chaos rencontrait son application binaire, dont l’onde de choc, un tiers de siècle plus tard, continue de ravager le petit monde sonique. Ce Big bang aurait pu n’être qu’une compilation de plus, mais le label Rhino domine suffisamment le sujet pour faire de ce disque le résumé pointu et conseillé d’une épopée quasi guerrière.
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Il recèle notamment le premier single du groupe paru en mars 1967 (I can only give you everything) et les fruits inauguraux de sa rencontre avec son guide spirituel John Sinclair (Looking at you et I Just don’t know). Fait rarissime pour ce genre de projet, on retrouve même les quatre premiers titres de Kick out the jams, le manifeste primal en public, dans leur enchaînement original. Atrabilaires et sauvages, ces hymnes n’ont rien perdu de leur rage sous-cutanée et de leur subversion affichée.
Nullement émoussées par le temps, les guitares de Wayne Kramer et Fred « Sonic » Smith montent un mur du son (un cliché dont ils sont les instigateurs) sur lequel s’accroche la voix acide et pleine de graviers de Rob Tyner. De l’album suivant Back in the USA, déclinaison plombée d’un rock’n’roll de facture plus classique, ont été retenus ici les coriaces Teenage lust, Call me animal, Shakin’ street… Loin de rentrer dans le rang, le MC5 s’attire désormais les foudres de la police qui voit ici un danger latent pour l’ordre public. John Sinclair est jeté en prison pour deux malheureux joints et la santé du groupe décline à vue d’œil pour cause d’abus plus nocifs.
C’est donc empêtré dans l’adversité que se déroule l’enregistrement du troisième et dernier High time. Plus encore que ses prédécesseurs, cet ultime cocktail Molotov sent le soufre et la mort, inévitable. Les scalpels à six cordes taillent encore dans le vif des tranches de pur vertige sonique comme Sister Anne ou Miss X, mais l’implosion est proche. Au cours d’une dernière tournée européenne (été 1971), ils gravent au château d’Hérouville une session concise et tranchante que le label français Skydog publiera en 1995 sous le frontispice Thunder express.
Et c’est le title-track de cette journée mémorable qui clôt l’abrégé ci-présent, contraction tout à fait décente d’une aventure venimeuse, A tombeau ouvert, dirait Scorsese.
A l’instar du label Epitaph, fort de ses Tom Waits, Cramps ou Fleshtones, les Suédois de Burning Heart quittent le domaine monochrome des sous-Offspring pour une exploration en règle des marges rock’n’roll. Avec cet (International) Noise Conspiracy, les Nordiques s’éloignent du gentil tribut scolaire pour rallier le cercle fermé des maîtres autonomes du Farfisa noueux et de la guitare Caterpillar. Nous évoquerons forcément les Sonics, le Chocolate Watch Band ou, justement, le MC5, mais le traitement infligé aux saintes écritures dépasse pour le coup la simple exploitation Rank Xerox du mythe psychédélique. L’école se fait buissonnière, les schémas séculaires s’embrasent sous le feu d’étincelles inédites. On se rappellera que Dennis Lyxzén (chant) fut la locomotive épileptique de l’excellent Refused, que Sara Almgren (orgue & guitare) lima ses cordes virulentes au sein des Doughnuts, que son alter ego Lars Strömberg (guitare) fit de même chez les très punks Separation, que Ludwig Dahlberg (batterie) fendit quelques fûts des Saidiwas et que Inge Johansson (basse) amidonna longtemps l’abracadabrant projet The Female Anchor Of Sade. Désormais réunis sous l’étendard INC, dont notre Institut national de la consommation réprouverait sans doute les substances ingurgitées, ils réinjectent l’électricité des sixties dans une charpente capable de résister à toutes les tempêtes. Entre une intensive puissance de pilonnage et des mélodies vives et sommaires, comme on parlerait d’exécutions sommaires, nous affublerons d’ores et déjà ce Survival sickness d’un incongru titre de missile rock’n’roll de l’année 2000.
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