A priori, le reggae des racines, porteur d’une vision, voire d’un catéchisme, et le ragga des sound systems, surtout préoccupé des satisfactions immédiates (Rolex or, décapotable et maximum baise) ne font pas bon ménage. Ainsi, au cours des années 90, les producteurs jamaïcains devaient choisir leur camp. Là réside la singularité de Bobby Digital, qui […]
A priori, le reggae des racines, porteur d’une vision, voire d’un catéchisme, et le ragga des sound systems, surtout préoccupé des satisfactions immédiates (Rolex or, décapotable et maximum baise) ne font pas bon ménage. Ainsi, au cours des années 90, les producteurs jamaïcains devaient choisir leur camp. Là réside la singularité de Bobby Digital, qui a produit le salace Shabba Ranks ? la crapule – comme Garnett Silk ? le saint . Cette dichotomie se retrouve dans les rythmes de reggae classique (Bob Marley…) subtilement recyclés après « digitalisation ». Mais là où Bobby devient très fort, c’est quand il fait chanter aux crapules des textes que l’on pensait réservés aux saints. L’invocation de la vertu devient une manière parfois outrée, de s’autopersuader de rester dans le droit chemin. Yami Bolo, Admiral Tibbett, Cocoa Tea, etc., tous y ont sans doute échappé et leurs chants n’en sont que plus poignants. En critiquant les voyous comme les « honnêtes gens », Sizzla et Capleton inaugurent une nouvelle espèce, celle des saintes crapules.
On touche bien à l’essence du reggae, musique de la rédemption. Voire du salut. Cette compilation débute par un chariot de feu. Sur la rythmique de Natural Mystic ,Garnett Silk annonce, imprécateur ,l’avènement du règne de Jah et promet à son peuple une délivrance prochaine. On a beau avoir la cervelle un peu congestionnée par le prêche rasta, ceci place la barre très haut. Silk, qui chantait comme un saint, est mort comme une crapule. Le disque sera assez riche de sa présence, cette voix qui vous transperce par sa beauté fulgurante, pour en hâter l’acquisition.
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