Entre post-punk, acid-folk et ambient, le groupe de Michael Gira navigue en turbulentes eaux profondes sur ce nouvel album fleuve dont émerge un extraordinaire morceau hors normes de près de 45 minutes.
“L’essentiel est toujours là : aller vers ailleurs”, nous affirmait Michael Gira, l’inamovible chanteur et meneur de Swans, à la sortie de Leaving Meaning (2019).
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Inlassablement relancée, cette quête obstinée, voire acharnée, a engendré un nouvel album qui paraît maintenant, tel un soleil noir, au tout début de l’été 2023 – quarante ans après Filth, le fracassant premier lp de l’iconique groupe new-yorkais (à la configuration très variable). Baptisé The Beggar, écrit et produit par Gira, ce seizième album de Swans a été conçu à Berlin avec le concours de plusieurs fidèles partenaires de jeu, notamment le guitariste Kristof Hahn, le batteur/percussionniste Larry Mullins et la multi-instrumentiste Dana Schechter. Électron récemment apparu dans la nébuleuse Swans, déjà présent sur Leaving Meaning., l’explorateur sonore Ben Frost a également participé à l’enregistrement.
Traversée hallucinée
Dans la lignée des disques fleuves dont le groupe – encore plus depuis sa renaissance en 2010 – s’est fait une spécialité, il s’étend sur deux heures, divisées en onze plages. L’avant-dernière, The Beggar Lover (There), dure près de quarante-cinq minutes – un album en soi ! Authentique symphonie électrique à forte résonance gothique, comportant de rares (mais marquantes) contributions vocales, elle constitue l’une des expériences les plus intenses de toute la discographie de Swans : une fantastique traversée hallucinée, tantôt méditative tantôt convulsive, balafrée de sons étranges et tendue dans les ténèbres vers une lumière incandescente. À l’aune d’une pareille merveille, qui ridiculise instantanément les trois quarts de la production musicale actuelle (en ne comptant pas large), le reste de l’album peut forcément sembler un peu pâle, par moments même presque convenu. Ainsi, Unforming et Ebbing, deux ballades (trop) languissantes, peinent à accrocher l’oreille.
Ceci dit, en délivrant principalement un majestueux rock crépusculaire souvent proche de Nick Cave & the Bad Seeds, le groupe resplendit au maximum de son (obscur) éclat la plupart du temps – en particulier sur The Parasite, Paradise Is Mine, The Beggar, Why Can’t I Have What I Want Any Time That I Want? et The Memorious, cinq ensorcelantes longues complaintes (entre sept et dix minutes), portées par le chant abyssal de Michael Gira, qui sonnent comme de véhémentes incantations conjurant la mort et déchirant la nuit.
The Beggar (Mute/PIAS). Sortie le 23 juin.
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