Seize ans après leur renversant premier album, Since I Left You, et un mois avant leur Route du rock, les Australiens du cosmos sortent enfin de leur sommeil agité et nous disent ce qu’ils ont fait de leur jeunesse.
On les croyait enlevés par des aliens, définitivement avalés par un serpent de mer, et voilà qu’ils reviennent la fleur aux dents avec un deuxième album. Il aura fallu seize ans aux Australiens de The Avalanches pour offrir un successeur à Since I Left You, leur chef-d’œuvre patchwork de 2000. Robbie Chater, moitié du groupe (avec Tony Di Blasi), nous devait bien une explication.
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“On essaie encore de comprendre où sont passées toutes ces années. Mais faire la musique comme on le fait prend du temps. On a passé notre temps à faire de la musique. Au final, on avait trop de titres et pas la moindre idée de comment en faire un disque !” (rires)
Des problèmes de riches, en somme. Mais seize ans ? “Je sais c’est long. Since I Left You est d’abord sorti en Australie, six mois après au Royaume-Uni et un an plus tard aux Etats-Unis. En 2003, on tournait encore en Amérique pour défendre le disque !”
Des fragments de Beatles et de Queens Of The Stone Age
Ajoutez à cela des pépins de santé (Robbie a été diagnostiqué avec une maladie auto-immune) et la composition d’une comédie musicale foireuse sur King Kong (“Le genre de truc que tu fais pour payer les factures”) et nous voilà téléporté en 2016. L’attente en valait-elle la peine ? A mort ! Wildflower est un disque euphorique et solaire pulvérisant à grands coups de sampling virtuose l’histoire de la pop pour en faire de la poussière d’étoile.
Un album fou où s’encastrent pêle-mêle fragments des Beatles, des Queens Of The Stone Age ou d’un doc sur Basquiat. Le groupe découpe le passé pour inventer un futur hédoniste et psychédélique : “On a créé notre propre planète dans l’univers musical, où nous sommes les seuls à habiter. Quand tu découvres un tel territoire en tant qu’artiste, tu te sens extrêmement libre. Il n’y a pas plus de règles.”
Et pour accoucher de ce deuxième effort, les Australiens n’ont pas choisi la facilité, notamment en utilisant un sample de Come Together des Beatles chanté par des enfants : “En général, quand tu veux obtenir le moindre sample d’un titre des Beatles, tu te manges un ‘Non’ catégorique. Mais on a écrit une lettre à Paul et une autre à Yoko Ono où on expliquait l’esprit dans lequel on utilise le sampling. On en revenait pas qu’ils nous autorisent tous les deux à utiliser le titre.”
Surtout ne pas refaire Since I Left You
Dans la bataille, The Avalanches a perdu un de ses membres, Darren Seltmann, et évolue désormais en duo. Une défection qui, selon Robbie, n’a fait que renforcer ses liens avec l’arrangeur Tony Di Blasi : “On est très proches et très honnêtes l’un envers l’autre. Tony peut me dire dans les yeux que le morceau sur lequel j’ai bossé quinze minutes possède une plus jolie vibe que celui sur lequel j’ai bossé pendant deux mois, je ne me froisserai pas.”
“Aujourd’hui, tout le monde est un voleur. Surtout nous !”
Si la répartition des tâches épouse les talents de chacun, le procédé d’écriture est toujours le même : “On expérimente d’abord avec les samples. Après seulement on se concentre sur les mélodies et la structure du morceau. Tony est beaucoup plus doué pour les mélodies donc il bosse un peu plus avec les interprètes. Moi, je me concentre plus sur les grooves, les rythmes et les samples. Mais au final chacun touche à tout. »
L’erreur aurait sans doute été de vouloir refaire Since I Left You. Car depuis 2000, la musique a radicalement changé : “Le streaming, le téléchargement… tout ça n’existait pas à l’époque. Je me souviens qu’à la sortie de Since I Left You, la plus grande trouille de notre label US étaient de voir débarquer les imports avant la sortie américaine de l’album. Aujourd’hui, tout le monde est un voleur. Surtout nous !” (rires)
De nombreuses contributions d’autres artistes
La différence majeure entre ce nouvel album et son aîné tient dans les nombreuses contributions d’autres artistes qui font de Wildflower un disque protéique et tout en ruptures. Attention ! Pas de vulgaires featurings, le cancer de l’époque, mais d’étroites collaborations avec des musiciens comme Father John Misty, Jonathan Donahue de Mercury Rev ou Chaz Bundick alias Toro y Moi, tous venus ajouter leur grain de sel à la bouillabaisse cosmique mitonnée par le duo.
Pour définir leur approche du son, il serait plus judicieux de parler de mise en scène musicale que de production. Le groupe s’est d’ailleurs offert les services du compositeur français Jean-Michel Bernard : “J’ai découvert Jean-Michel grâce au film La Science des rêves de Michel Gondry, dont il a composé la musique. Je trouve ce film tellement poétique et la musique y est vraiment sublime.”
“On s’est dit : ‘On devrait lui demander même s’il a probablement jamais entendu parler de nous.’ Je crois que son fils était fan de notre premier album. Il a été si généreux avec son temps. A aucun moment on l’a entendu nous dire ‘Hé quand est-ce que je vais être payé ?’ Il a totalement compris l’esprit de notre musique.”
Un deuxième album à base d’acides
Quand on demande avec quelle potion le disque a été mis en boîte, la réponse est directe : “Beaucoup d’acides, mec”, lance Robbie. Le parfum hallucinogène qui parcourt tout le disque culmine sur des titres comme Kaleidoscopic Lovers, Colours ou le dérangé If I Was A Folkstar.
“Ça a pris énormément de temps à Chaz Bundick de Toro y Moi pour faire les voix sur ce titre. Il était en plein mariage à l’époque. Un jour, il m’a appelé et m’a dit : ‘J’ai une idée pour la chanson : je vais raconter la nuit où ma femme et moi on a pris de l’acide et où on a passé la nuit à tripper sur la plage.”
On devrait désormais avoir plus régulièrement des nouvelles de The Avalanches. Robbie a même promis un nouvel album d’ici trois ans :
“C’était complètement con de ma part d’avancer un truc pareil… (rires) Mais on va sortir d’autres morceaux qu’on a enregistrés et qui n’ont pas trouvé leur place sur ce disque. Après seulement on va essayer de refaire de la musique. Mais promis, on ne va pas attendre à nouveau seize ans pour refaire un disque. Je serai un vieux débris !”
album Wildflower (Beggars)
Les 30 ans des Inrocks à la Route du rock avec The Avalanches
Après Les Eurockéennes, c’est au tour de La Route du rock de fêter les 30 ans des Inrocks dans son édition 2016, du 11 au 14 août à Saint-Malo. Partenaire privilégié du festival depuis 1997, Les Inrocks ont ainsi estampillé du sceau de l’amour pour toujours trois concerts : Belle & Sebastian
(le 12 août), La Femme (le 13) et The Avalanches (le 14). Le magazine propose également, du 8 au 14 août, une programmation cinéma et rock au Vauban 2. Enfin, une exposition sera consacrée au travail de notre photographe Renaud Monfourny. La Route des Inrocks, en somme. Merci de l’invitation.
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