Enfin un son neuf et excitant dans le r’n’b avec Janelle Monáe, jeune Américaine scandaleusement avantagée à la distribution du talent.
Sur la pochette de The Audition, son premier album autoproduit et jamais publié, Janelle Monáe avait la frimousse et les boucles folles d’une jeune Whitney Houston. Sur celle du ep The Chase Suite, son corps de robot était en construction. Sur The ArchAndroid, la métamorphose est achevée. Et quel changement pour cette jeune fille de Kansas City, qui avait d’abord rêvé de conquérir Broadway avant de faire ses classes aux côtés d’Outkast !
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Pour beaucoup – dont le rusé Puff Daddy, qui lui a accordé une liberté rare pour une artiste débutante –, Janelle Monáe ne représente rien moins que le futur du r’n’b. C’est d’ailleurs le thème de The ArchAndroid. Ce space opera visionnaire et sophistiqué met en scène Cindi Mayweather, un clone bionique de la chanteuse chargé de libérer Metropolis de ses oppresseurs. Depuis Sun Ra et Funkadelic jusqu’aux albums récents d’Erykah Badu ou Kelis, la science-fiction est une inspiration majeure de la musique noire américaine, au point d’avoir engendré un genre culturel à part entière, l’afro-futurisme. Mais sur The ArchAndroid, c’est plutôt d’afrorétrofuturisme dont il faudrait parler.
Le choix d’un contexte aussi classique que Metropolis illustre l’ambition de Janelle Monáe de s’approprier ce vaste héritage esthétique et musical pour le régénérer. Et c’est sans doute la réussite la plus stupéfiante de cet album que de parvenir à évoquer plus d’artistes que n’en contient un iPod sans jamais tourner au catalogue ou perdre sa cohésion. On entend Gorillaz et Gershwin, LaBelle et J Dilla.
Vocalement, elle est tour à tour Beyoncé (Dance or Die), Dionne Warwick (Say You’ll Go) ou Lauryn Hill (Oh, Maker). Musicalement, sa versatilité la porte plus loin que M.I.A. ou Santigold. Elle passe avec légèreté et aplomb du doo-wop de VV Brown (Violet Stars Happy Hunting!) à l’indie-funk (Make the Bus avec Of Montreal), du rock féroce des Noisettes avec Come Alive (The War of the Roses) à la comédie musicale avec BabopbyeYa.
Mais quel que soit le genre initial du morceau, Janelle Monáe ne peut s’empêcher de le détourner, d’y ajouter des curiosités sonores, des extravagances vocales, des fantaisies rythmiques. Cette capacité à faire de chaque chanson une sorte d’édifice pop et baroque, à la fois accessible et vaguement perturbant, est sa marque personnelle. C’est ce qui fait le caractère, l’originalité et la force d’un album sidérant dont la première partie est un concentré de tubes (Tightrope, Cold War) et la seconde un long voyage vers les rivages à peine explorés du r’n’b progressif.
Son inspiration tous azimuts vaudra certainement à Janelle Monáe d’être qualifiée de Prince ou d’André 3000 au féminin, mais ce sont ses excentricités vestimentaires et capillaires – et son inévitable succès – qui lui attireront la comparaison qui marquera les foules : Janelle Monáe va devenir la Lady Gaga du r’n’b. Avec infiniment plus de talent.
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