Exemplaire incitation à la vigilance : on aurait dû prendre très au sérieux les promesses d’exotisme déboussolant contenues dans le titre de la modeste miniature embusquée en ouverture. En moins d’une demi-minute, Oriental boulevard révèle sa vraie nature celle d’une fabuleuse piste d’envol pour tapis volants, prêts à embarquer l’auditeur ébahi dans un festival […]
Exemplaire incitation à la vigilance : on aurait dû prendre très au sérieux les promesses d’exotisme déboussolant contenues dans le titre de la modeste miniature embusquée en ouverture. En moins d’une demi-minute, Oriental boulevard révèle sa vraie nature celle d’une fabuleuse piste d’envol pour tapis volants, prêts à embarquer l’auditeur ébahi dans un festival de langoureux loopings et de grisantes glissades au ras des minarets. A la barbe des fuseaux horaires, des espaces aériens officiels et des radars interloqués, la carpette magique de Ladybug Transistor nous aura précipités dans la confusion bienheureuse et la perplexité béate on atterrit les oreilles bourrées de mirages, le sens critique passé par-dessus bord et des hyperboles plein la citrouille. Sans vouloir faire insulte au légitime scepticisme du lecteur, on jurera donc (sur Sgt Pepper’s, qui fera ici office de bible) avoir croisé en douze chansons modestes un Syd Barrett à la santé éclatante (The Automobile song), un Ennio Morricone faisant galoper sur les rives du Rio Grande une flopée de caballeros bardés de cartouchières étincelantes (Cienfuegos), quelques très grandes chansons inédites de Divine Comedy (parfois délicieusement chantées par The Married Monk Today knows), des joutes de violons opposant The Left Banke et Cardinal. Sans oublier Penny Lane, dont les « cieux bleus banlieusards » sont pieusement transposés par les cuivres exubérants de The Great British Spring.
Dangereusement hallucinogène, The Albermarle sound n’a pourtant rien d’un disque halluciné ou d’une attraction foraine. Aux coups de force (ou de farce), Ladybug Transistor préfère les bifurcations féeriques soulignées de flûtes folâtres, les aiguillages ombrés de saxophones feuillus et les échangeurs tapissés de cordes verdoyantes. Pas de surréalisme poussé en serre, ni de volatiles pop élevés en batterie : dans cet inépuisable labyrinthe, tout coule de source (de jouvence). The Albermarle sound, c’est l’opulence sans la flatulence, le bonheur d’inventer partagé avec une formidable générosité. Follement intrépide, ce disque bricolé au tréfonds de l’underground new-yorkais réussit l’exploit d’arracher aux limbes quelques-unes des Teenage symphonies to God dont la légende veut qu’elles hantent depuis à peu près trente ans la caboche en ruine de Brian Wilson.
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