Joyeux et dansant en apparence, le premier album des Parisiens de The Aikiu révèle un intérieur grave et profond. Critique et écoute.
Fin 2010, on découvrait The Aikiu à la faveur d’un tube irrésistible à l’esthétique toute synthétique. Porté par des nappes de claviers téléportées de 1983, The Red Kiss venait alors lécher les contours froids et anguleux du squelette de la new-wave pour finalement embrasser de la même étreinte les néophytes et les nostalgiques, les apprentis et les sorciers. Pas pressé et à la recherche de la meilleure formule pour réussir l’aventure de son premier album, le duo à l’origine de la chanson a préféré prendre son temps pour (bien) s’entourer. Rejoints par un bassiste, une batteuse et un guitariste, Alex (chant) et Julien (guitare, claviers) avancent aujourd’hui à la tête d’un groupe où chacun trouve son mot à dire, sa partition à écrire.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
“On laisse tout ce qui concerne la communication et la direction artistique au label et aux personnes compétentes. Ça nous permet de rester concentrés sur ce qui nous intéresse : la musique. Pendant les répétitions, les chansons naissent parfois de petites improvisations solitaires mais au final chaque membre du groupe est impliqué dans leur composition”, explique Alex, rencontré au Social Club un jour de répétition, justement.
Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le groupe nous reçoit ce jour-là dans la pénombre stylisée du club du IIe arrondissement de Paris. L’enceinte electro est la seconde maison de Savoir Faire, maison de production parisienne hype et maligne qui oriente les directions artistiques de The Aikiu et d’une grosse vingtaine de groupes ou DJ en vogue – des Bewitched Hands à Gesaffelstein en passant par Léonie Pernet, Brodinski, Club Cheval ou Bambounou. De près ou de loin, tout ce petit monde gravite autour du Social en profitant des réseaux qui entourent l’activité nocturne du club.
Ainsi, une conversation de comptoir entre Alex et Panteros666 (membre de Club Cheval et serial clippeur le plus recherché du moment) a donné lieu à la seconde naissance du groupe. “On avait une vague idée de ce qu’on voulait faire pour le clip de Pieces of Gold. J’ai croisé Panteros lors d’une soirée au Social et je lui ai dit que ce serait cool de faire un travail sur la décomposition. Assez vite, il m’a confié qu’il voulait jouer avec des images de films porno. J’ai réfléchi à peu près deux secondes et j’ai dit : ‘OK, fais ce que tu veux !’ Quand on a visionné le résultat tous ensemble, on a su qu’on tenait quelque chose qui pouvait faire du bruit !”
Avec près d’un million quatre cent mille clics, la vidéo de Pieces of Gold a apporté au groupe une vitrine inespérée pour colporter la pop dansante et contagieuse contenue dans son ep sorti en 2012. Clin d’oeil reconnaissant, la chanson ouvre Ghost Youth, premier album un peu avare en volume (dix chansons seulement) mais riche d’influences variées et de quelques bombes à retardement (Fools, Let Me Freak out, Somehow) qui pourraient bien réchauffer l’été tiédasse prédit par les météorologues.
Plus osée, Win vient caresser le souvenir désuet de Cyndi Lauper alors que Barbarella, avec son rythme rockabilly, rappelle les fusions de fluides concoctées jadis par Suicide. Comme un fil rouge tendu tout au long du disque, la voix grave et sereine d’Alex s’amuse de compositions joyeuses et entraînantes pour décrire le quotidien morose vécu par “la jeunesse fantôme, celle qui grandit trop vite, étranglée par des responsabilités prématurées”. Pour vaincre le mal par le mal, on conseille le remède infaillible que l’album renferme en piste 8, avec le titre The Fear et ses trois minutes d’épouvante, pendant lesquelles The Aikiu s’invite dans le New York inquiétant de l’époque no-wave. De quoi soigner les crises existentielles de toute une génération.
concert le 12 juillet à Paris (The Peacock Society)
{"type":"Banniere-Basse"}