Epoustouflant de virtuosité, cet album du DJ Rob Swift est plus qu’un exploit sportif. Accessible, musical et fêtard. “Je n’en reviens pas, assure Rob Swift en écarquillant les yeux. Il y a deux ans, je pensais que personne ne comprenait l’art des turntablists (DJ usant de leurs platines comme d’un véritable instrument de musique). Aujourd’hui, […]
Epoustouflant de virtuosité, cet album du DJ Rob Swift est plus qu’un exploit sportif. Accessible, musical et fêtard.
« Je n’en reviens pas, assure Rob Swift en écarquillant les yeux. Il y a deux ans, je pensais que personne ne comprenait l’art des turntablists (DJ usant de leurs platines comme d’un véritable instrument de musique). Aujourd’hui, j’ai l’impression que le monde entier nous regarde. » Un état de fait auquel il a largement contribué en sortant fin 1997 avec ses complices X-Ecutioners le premier véritable album d’une équipe de maîtres des platines, le magnifique X-pressions. De retour en solo, Rob Swift enfonce magistralement le clou avec ce disque stupéfiant qui tout à la fois innove, éduque et divertit. Les premières qualités de The Ablist sont incontestablement son accessibilité et sa musicalité : là où les acrobaties virtuoses de Q-Bert et Mixmaster Mike (leaders des Invisibl Skratch Piklz, l’autre fraternité de turntablists de San Francisco) requièrent une concentration aiguë de la part du public, les compositions de Rob Swift, pourtant tout aussi complexes, se mettent au niveau de l’auditeur et ne réclament qu’un peu d’attention pour révéler tous leurs trésors. Le second mérite de ce disque est d’aller encore plus loin dans la concrétisation de ce que tous ses pairs répètent à l’envi : « Le turntablist est un musicien à part entière. »
Avec le groupe live Dujeous’, Rob Swift ne se contente pas d’ajouter quelque scratches de surface sur la musique des autres, mais fait véritablement corps avec le groupe en dialoguant avec chaque musicien (écoutez All that scratching is making me rich). Un processus renouvelé sur Fusion beats avec son partenaire Si/Near aux claviers, ou de façon tout aussi étonnante sur Night time, collaboration idéale entre un MC et son DJ lui répondant par des citations aux platines. « The Ablist, c’est un peu mon journal de bord, explique Rob Swift, un disque très personnel » signé par un artiste multidimensionnel, aussi à l’aise aux platines que derrière les consoles et même au micro (I’m leaving). Un album « de famille » tant il y prouve sa loyauté aux siens et à ses héros : le rimeur en chef, Gudtyme, est un vieil ami d’enfance ainsi que le MC de choc Gangis Kahn, qui crache littéralement son texte au téléphone derrière les barreaux d’une prison, alors que Dr Butcher, son adversaire sur le désopilant bras de fer What would you do , n’est autre que le parrain et idéologue de l’ombre des X-Ecutioners. Quant au remix du manifeste Musica negra, il réhabilite pour la première fois aux yeux de la planète hip-hop médusée l’un des plus stupéfiants DJ de la galaxie : Johnny « Juice » Rosado, auteur sans être crédité (débats houleux en perspective) de la plupart des scratches renversants de Public Enemy (dont Rebel without a pause). Au final, si plusieurs titres, dont Dope on plastic et The Ablist, laissent encore affleurer la bête de compétition bardée de médailles que Rob Swift fut jusqu’à 24 ans, cet album organique et chaleureux démontre qu’il a choisi de « grandir et d’évoluer » et avec lui l’art des platines, dont « 90 % du potentiel reste à exploiter » selon lui. Belle promesse de lendemains qui scratchent.
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