L’art des troubadours, comme l’écrit Gérard Zuchetto, nous est à la fois proche et lointain. Huit cents ans nous séparent du Moyen Age et cette langue nous paraît aujourd’hui d’un hermétisme austère. Mais, par ailleurs, l’art de trobar et l’art d’amor énoncent une poésie d’une fraîcheur toujours neuve, “pied de nez au latin désuet des […]
L’art des troubadours, comme l’écrit Gérard Zuchetto, nous est à la fois proche et lointain. Huit cents ans nous séparent du Moyen Age et cette langue nous paraît aujourd’hui d’un hermétisme austère. Mais, par ailleurs, l’art de trobar et l’art d’amor énoncent une poésie d’une fraîcheur toujours neuve, « pied de nez au latin désuet des actes administratifs et de la prière ». L’aventure des troubadours commença au xième siècle, avec Guilhem de Poitiers et se prolongea jusqu’au xiiième siècle. Le mouvement concerna le sud de l’Europe. A la catégorie des troubadours proprement dits s’ajoutent les simples interprètes, ou joglars, qui parcourent les chemins, maniant la chanson, la rime et le récit fantastique en s’accompagnant d’instruments de musique. Seulement voilà, cet art si subtil se rattache avant tout à une tradition orale. A cette époque, on ne note pas les paroles, et encore moins la musique. Chacun a son répertoire qu’il promène de lieu en lieu, modifiant au gré de l’inspiration les mots et la musique. Ainsi que le rappelle Zuchetto, ce n’est qu’au xiiième siècle que des copistes relèveront plus de deux cents ans de trobar, « poèmes retranscrits à la plume d’oie et quelquefois pourvus de mélodies ou finement ornés d’enluminures colorées ». Cette poésie, copiée et recopiée, nous arrive aujourd’hui déformée. Mais qu’importe, « laissons-nous rêver en lisant et en écoutant le chant de ces inventeurs talentueux. Au-delà des mots et de l’histoire incertaine, jaillit, entre les lignes, la personnalité artistique de chaque troubadour, auquel nous devons rendre la parole. » Unique en son genre, cette anthologie, richement illustrée de documents (et de portraits !) provenant de la Bibliothèque nationale et de photos de sites, fresques et ouvrages de pierre, recense une quarantaine de troubadours. L’auteur a choisi cent vingt poèmes dans une édition et une traduction nouvelles, dont certains reproduits avec leur notation musicale. Un lexique savant aide à comprendre le sens des mots qui, au fil des siècles, a parfois considérablement varié ainsi « man » signifiant à la fois « main » et « message ». Pour compléter ce voyage passionnant, Zuchetto, chercheur infatigable, a enregistré avec six autres musiciens, dont Gisela Bellsolà, Gérard Le Vot et Guy Robert, dix-sept chansons, jointes à cette magnifique anthologie.
Gérard Zuchetto, Terre des troubadours XIIème-XIIIème siècles (Les Editions de Paris)
Franck Mallet
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