Le plus parisien des pianistes italiens s’impose sans vacarme comme un artiste majeur de sa génération.
Avec sa tête de malin latin lover bien peigné, Giovanni Mirabassi démontre amplement que, dans le contexte du jazz européen, un Italien talentueux en cache toujours un autre (à commencer par son clarinettiste de frère, Gabriele). Marqué par un apprentissage auprès d’Aldo Ciccolini (qui est à Satie ce que Trigano est au camping : une nécessité), le pianiste ne pourra se voir reprocher qu’une discrétion excessive, qui trouve néanmoins un écho heureux dans un jeu tout en finesse et allusions. D’autant, il a su cultiver un sens aigu de la mélodie, alimenté par ses incessants allers-retours entre le jazz, la chanson (on se souvient d’un hommage à Léo Ferré autour d’inédits du Monégasque), et l’aventure (une collaboration libertaire avec le tromboniste Glenn Ferris). Le Transalpin fête aujourd’hui une décennie d’enregistrements comme leader, et en réjouissante compagnie : Gianluca Renzi a offert l’assise de sa contrebasse à rien moins que Steve Lacy ou Enrico Rava. Quant au percussionniste Leon Parker (les cymbales derrière Madeleine Peyroux, c’est lui), il reste le chantre des percussions corporelles, et de la défiance face à la batterie de jazz vécue comme un poncif. Initialement prévues comme le simple enregistrement de quelques prises, les sessions offertes ici se sont prolongées une nuit durant de l’été dernier, éclairées par la complicité des trois compères. Comme à son habitude, Mirabassi a privilégié le choix majoritaire de compositions personnelles, préférant le pari d’un univers intuitif, sensible et spontané, à la redite de standards trop visités. Et c’est bien un équilibre sensible entre swing et sensualité qui fait la richesse de Terra furiosa : simple sans être simpliste, le piano rebondit avec souplesse sur les grondements de la contrebasse, et les interventions toujours étonnantes et détonantes de Parker. Tel un enregistrement after-hours qui ne cèderait jamais à la facilité de la jam-session débridée, cet album offre un doux rêve d’hiver sur un mode collectif. Et la pièce qui clôt le disque (We Have the Blues Mr. President) est affublée d’un bien beau titre. C. L.
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