Une compilation impose la terrible personnalité de Mogwai, tortureurs de guitares dans des gants de velours. Fort louable par principe, l’initiative qui consiste à regrouper plusieurs 45t rares et épars sur un même support tourne franchement à la philanthropie la plus admirable quand le contenu procure, tel ce somptueux Ten rapid, un sentiment de béatitude […]
Une compilation impose la terrible personnalité de Mogwai, tortureurs de guitares dans des gants de velours.
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Fort louable par principe, l’initiative qui consiste à regrouper plusieurs 45t rares et épars sur un même support tourne franchement à la philanthropie la plus admirable quand le contenu procure, tel ce somptueux Ten rapid, un sentiment de béatitude reconnaissante. Emanant de singles distribués honteusement au compte-gouttelettes de ce côté-ci du tunnel, les neuf pièces pas faciles empilées ici obligent à asseoir Mogwai, dès le premier tour de table d’écoute, sur un siège cossu à l’assemblée des contemporains capitaux. On ne dispose presque d’aucun renseignement concernant ce groupe cultivant, par le son mais aussi par le truchement de pochettes splendides, l’art de la nuance et de la suggestion avec une maestria stupéfiante. On sait seulement qu’il s’agit d’un quatuor écossais dont la musique lancinante et à haute teneur émotionnelle nous est d’ores et déjà indispensable notamment sur scène, où elle s’autorise des dérapages très au-dessus des humains, dans un espace insoupçonné dans une salle de concert, bien au-delà du nuage de fumée qui sert de plafond. Sélectif et inspiré, Mogwai a fait son miel de tout ce que le rock à guitares a produit de décisif ces dix dernières années, apprenant ainsi le flamboiement bruitiste chez My Bloody Valentine et le harcèlement nerveux ininterrompu au contact intensif du Spiderland de Slint qui n’a pas fini de capturer ses proies dans sa toile hypnotique.
On se tromperait pourtant lourdement en suspectant ces furieux électrons libérés de toute influence castratrice de se complaire dans la reproduction scolaire et amidonnée du grand oeuvre de si prodigieux aînés. Armada de paysagistes travaillant au lance-flammes, Mogwai part de contrées qu’on croit un peu vite familières pour mieux les transfigurer et nous entraîner à sa suite sur d’irradiants lavis de guitares vers des hémisphères répertoriés sur aucune carte. Sous l’action rageuse de ces semeurs de vent mauvais, la croisière ne s’amuse plus du tout et récolte de plein fouet tempête sur tempête. Cette traversée en haute mer commence avec un Summer qui ruisselle d’embruns enfiévrés et nous colle au plafond : on donnerait cher pour connaître un pays où l’été se parerait de telles teintes, houleuses et cyclothymiques. Au terme du voyage, on aura échangé peu de mots, à peine quelques marmottements indistincts, mais on aura abordé maintes latitudes sensuelles et vécu autant d’expériences marquantes (le phénoménal Ithica 27 ø 9) que le commun des rockers ne parviendra jamais à se représenter. Revenu au port, l’estomac et le coeur sens dessus dessous, on n’éprouve qu’une envie : repartir aussitôt.
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