Quand notre cœur fait boom. Tourmenté et sombrement musical, le nouveau Cypress Hill réussit un miracle : séduire sans renier, évoluer sans mentir. Dès la première seconde de leur troisième album, les chantres du NORML (National Organisation for the Reform of Marijuana Laws) affichent la couleur, obstinément : “Le pouvoir de l’herbe ouvre l’esprit.” Après […]
Quand notre cœur fait boom. Tourmenté et sombrement musical, le nouveau Cypress Hill réussit un miracle : séduire sans renier, évoluer sans mentir.
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Dès la première seconde de leur troisième album, les chantres du NORML (National Organisation for the Reform of Marijuana Laws) affichent la couleur, obstinément : « Le pouvoir de l’herbe ouvre l’esprit. » Après dix secondes, le cliquetis irréel d’un vibraphone plante le décor : pénombre, mystère, tons sourds, volutes opaques, fragrance cannabis. Quelques minutes plus tard, l’affaire est entendue : Cypress Hill a réussi l’ambitieux pari de demeurer fidèle à son ton caractéristique tout en se renouvelant musicalement. Orchestré par DJ Muggs, attentif cette année à la scène de Bristol, ce tournant sonore s’inspire du trip-hop anglais tout en lorgnant vers les climats urbains menaçants de Wu-Tang Clan, The RZA en personne étant venu cautionner le titre Killa hill niggas. Lassé de payer le prix fort pour les samples, DJ Muggs use cette fois davantage d’instruments resamplés. Le funk sautillant d’antan fait ainsi place à un minimalisme hypnotique et tendu, qui semble hésiter constamment entre féerie et sortilèges maléfiques. B-Real s’accommode brillamment de cette nouvelle orientation, mais sa voix nasillarde mise en avant comme jamais et souvent contrainte de porter à bout de bras la dynamique des morceaux peut à terme porter sur les nerfs. Pourtant, lui seul pouvait sauver l’image du groupe auprès des fans de la première heure : non seulement son débit idéalement rythmé permet de dodeliner du chef qualité essentielle au rap en dépit des beats ralentis, mais sa puissance de feu verbale grimpe aussi d’un degré sur l’échelle du hardcore. Si la majorité des textes téter des bongs et, la paranoïa aidant, rêver de fumer de chimériques ennemis reste dans des domaines déjà largement explorés par le groupe, les explosions de colère, elles, impressionnent comme rarement. Férocité à son comble sur No rest for The Wicked, où le trio règle courageusement ses comptes avec la superstar du gangsta-rap Ice Cube. Accusé de vol de morceau et de non rétribution pour services rendus (DJ Muggs officiait sur The Predator), le Cube de Glace se fait moucher sur son propre terrain, lui dont l’impitoyable attaque de ses ex-partenaires de NWA nous avait secoués de rire sur l’inoubliable No vaseline ici finement paraphrasé à ses dépens.
Flip-flap, l’amertume assène son soufflet brutal sur l’autre joue avec Strictly hip-hop : House Of Pain, frères d’hier aujourd’hui bannis de la famille Soul Assassins, encaisse un humiliant revers. « You wanna be models and talk about keep it real/Fucking sell out, this is hip-hop, not fashion » (Vous vous la jouez mannequins et vous parlez d’authenticité/Enfoirés de vendus, c’est du hip-hop, pas de la mode). Outre la jubilation perverse que provoque immanquablement toute déclaration de guerre sur vinyle, Cypress Hill adresse surtout un limpide message d’intégrité à tous les déçus du second album, majoritairement des adulateurs des premiers jours dépossédés par la soudaine reconnaissance massive de leurs héros. Une démarche aussi louable que vaine vu l’équation cruelle à laquelle le groupe se trouve confronté depuis deux ans : un kid hip-hop perdu égale dix kids « alternatifs » conquis.
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