Après les Pastels et Jesus & Mary Chain, un étage en dessous, voici qu’émerge de Glasgow-la-noisy le Teenage Fanclub. En guise de carte de visite, un bloc monolithique : A catholic education.Un heavy sound noyé dans la mélodie qui louche volontiers sur les sons de la grande s’ur Amérique. Qui parle là de hardcore ? Pas Norman Blake, la voix des jeunes louveteaux.
Je ne fais pas de la musique avec l’esprit calculateur, en la calibrant pour un quelconque public. Quand nous avons débuté Teenage Fanclub, nous avions développé notre musique et notre maturation dans d’autres groupes. Cette fois, je crois qu’on a un peu plus réfléchi à ce que nous voulions, ensuite, c’est allé très vite pour trouver une cohésion. En Angleterre, un groupe enregistre un single, un autre, puis un autre, puis éventuellement un album. Nous voulions faire directement un album : C’est nous, voilà comment nous sonnons et comment sont nos chansons.? C’est une attitude franche, non ? Nous ne voulions en aucun cas être un groupe qui se fasse remarquer par une quelconque attitude à la mode. Nous voulions faire seulement de la musique.
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Quel genre de musique t’a poussé à t investir dans un groupe ?
Quand j’ai rencontré Duglas, avec qui j’ai formé mon premier groupe, les Boy Hairdressers, j’écoutais des trucs comme les Clash et lui Throbbing Gristle. C’était vers 1980, c’est donc forcément ce genre de groupes, ou les Jam, qui nous ont donné envie de jouer. Les Clash sont probablement ma plus grande influence. Et puis en Ecosse, nous avions la scène Postcard ; Orange Juice et Joseph K ont fait de grands singles. Nous leur devons quelque chose. J’ai rencontré Steven Pastel en traînant dans les bars de la petite vie nocturne de Glasgow. Il est vite apparu qu’on avait les mêmes pôles d’intérêt, qu’on aimait la même musique et nous sommes donc devenus amis. Steven avait un label, 53 & 3rd, qui a enregistré les premiers singles des bmx Bandits et celui de Boy Hairdressers, mais il ne contrôlait que l’artistique. Les cordons de la bourse ne lui appartenaient pas et il a fini lui aussi par perdre ses motivations… Ce n’est pas lui qui m a introduit au hardcore américain, je ne suis pas sûr qu’il aime ça ; lui, c’est un fan de Jonathan Richman. Ce sont des groupes comme Black Flag et ceux du label Alternatives Tentacles qui ont provoqué mon intérêt pour le hardcore.
Pourtant, tous les groupes de Glasgow ont eu en commun ce son sale, qui n’est pas britannique.
C’est parce que c’est une très petite scène. Les médias du Royaume-Uni s’y sont intéressés vers 80 mais depuis, Glasgow n’a jamais plus été branché. J’imagine combien ce serait terrible pour moi si Teenage Fanclub venait de Manchester ou de Liverpool, je ne le supporterais pas. Pour en revenir à notre son, c’est vrai que les groupes anglais sonnent anglais alors que les groupes écossais ont plus d’affinités pour un son américain. Steven Pastel s’occupait de faire passer des groupes comme les Membranes ou les June Brides dans un club underground. Les Mary Chain, qui habitaient East-Kylbride à 20 km de Glasgow, ont joué dans ce club et ont demandé à Bobby Gillespie d’être leur batteur. Lui connaissait bien Steven Pastel et Alan McGee, le boss de Creation Records. C’est ainsi que les Mary Chain ont enregistré leur single et que l’attention s’est focalisée sur notre scène.
N’as-tu pas l’impression d’avoir raté le train à cette époque ?
Nous avons été plutôt chanceux qu’il ne nous arrive rien parce que la plupart des groupes de l’époque sont morts. En 85, Glasgow, c’était Manchester aujourd’hui, à une plus petite échelle. Chaque semaine, il fallait un groupe de Glasgow dans la presse et ça en a fait mourir plus d’un. Car six mois plus tard, Glasgow était lessivé. Aujourd’hui, nous ne sommes pas sous pression pour produire notre marchandise , nous pouvons prendre notre temps pour faire ce qui nous plaît.
Faut-il voir plus qu’une blague dans le titre de votre album, A catholic education ?
Je ne pense pas que les paroles et le titre des chansons soient des entités séparées. Il n’y a pas de message dans nos textes. Rien de plus que de l’observation. Si tu habitais Glasgow ou Belfast, tu comprendrais ce que ça veut dire d’appeler ton disque Une éducation catholique . Cette bagarre entre catholiques et protestants est si stupide A Glasgow,
il existe encore des écoles séparées, catholiques d’un côté, protestantes de l’autre Bien sûr, cette ségrégation est moins flagrante chez
les jeunes et, en ce sens, le titre de l’album a également une
connotation dérisoire.
Vôtre musique est plutôt sous influence américaine. N’avez-vous pas tendance à trop noyer la mélodie sous le bruit ?
Ce n’est pas intentionnel. C’est notre son qui donne l’impression que nous jouons parfois comme des pieds. Je ne cherche pourtant pas à être sciemment brut ou rèche. Je suis très intéressé par la mélodie et, sur notre prochain album, je veux essayer encore plus d’harmonies. Notre premier disque était spontané et urgent. Maintenant, nous aurons plus de temps pour penser nos chansons et développer le côté mélodique.
Comment avez-vous développé votre connexion américaine, avec des gens tels que Don Fleming qui a produit vos deux derniers singles ?
Nous l’avons rencontré il y a six mois seulement, on lui avait envoyé l’album et il l’a bien aimé. Nous sommes donc partis à New York pour enregistrer avec lui. Le sentiment de la musique est plus important que l’équipement technique. De même, nous ne courons pas après les hits, nous ne désirons pas gagner de folles sommes d’argent, ça ne nous intéresse pas. Nous voulons juste faire de bons albums et avoir assez d’argent pour les enregistrer dans de bonnes conditions. Il faut gagner son public petit à petit, comme Sonic Youth. Nous avons fait leur première partie anglaise, ils sont vraiment excellents. Et très gentils, même si Lee Renaldo dit parfois des trucs bizarres sur scène.
Je suis sûr que Sonic Youth est l’une de vos influences principales, avec leur savant mélange de bruit et de mélodie
Nous avons effectivement la même attitude, on essaie de composer à partir d’accords rarement utilisés pour créer des harmonies, des ambiances. Nous avons fait l’acquisition d’un magnétophone huit pistes, nous allons donc pouvoir travailler nos idées et développer notre son. Notre influence harmonique la plus forte vient sans doute des Beach Boys et toute la musique que j’aime est très mélodique. Dans mes nouvelles chansons, il y a des voix mixées en avant et de belles mélodies qu’il faudra combiner aux harmonies.
Vous êtes quand même très écossais dans votre je-m’en-foutisme
Oui, on peut penser ça. Nous ne nous laissons pas embobiner. Beaucoup de groupes du Royaume-Uni sont vraiment mornes, nous ne le sommes pas. En plus, la presse anglaise colporte le ragot suivant à chaque fois qu’elle en a l’occasion : un Ecossais typique est un Ecossais saoul. Un vrai cliché. Mais nous ne jouons pas plus souvent saouls qu’un groupe anglais (rires)? Et nous sommes plus naturels. Peut-être les groupes anglais ont-ils été trop influencés par Joy Division ? Nous ne sommes pas timides, je veux que sur scène notre comportement soit le reflet honnête de ce que nous sommes, pas une attitude apprêtée.
On sent toujours une certaine tension quand les Ecossais parlent des Anglais.
Nous ne payons pas la Poll Tax. Le nouveau Premier ministre s’appelle John Major mais son vrai nom est Jack Balls (rires)? En Ecosse, et en particulier à Glasgow, personne ne votera pour lui ou pour les conservateurs, nous sommes de gauche. Nous sommes tous socialistes, comme nos parents et nos amis ; ici, les conservateurs ne dépassent pas les 5 %. Les Ecossais espèrent beaucoup de la Communauté Européenne, ils préfèrent êtres associés aux Européens plutôt qu’aux Anglais. Nous n’avons aucune affinité avec les Anglais et leurs traditions. D’ailleurs, ils ne se sentent pas partie prenante de l’Europe, eux. Pourtant, la sncf veut faire un énorme réseau ferroviaire européen avec la France comme port, c’est une grande idée : on pourrait aller de Paris à Inverness en quatre heures mais les Anglais n’ont pas construit de réseau ferroviaire pour le tgv. Et leur insularité n’a fait qu’être encouragée par Thatcher pendant dix ans. A Glasgow, nous avons une longue tradition socialiste depuis les années 20, et il y avait même un groupuscule communiste. On disait d’ailleurs que s’il devait y avoir une révolution en Grande-Bretagne, elle partirait de Glasgow. Un jour de grêve générale, on a même frisé l’émeute qui aurait mis le feu aux poudres. L’Ecosse se fait baiser par l’Angleterre depuis trop longtemps, cela fait huit cents ans que les nobles anglais viennent prendre la terre des paysans écossais. Si nous sommes de tradition socialiste, c’est aussi pour ça et si nous n’avons aucun intérêt pour la famille royale, c’est que nous n’avons plus de rois depuis quatre cents ans. A Glasgow, on ne croit pas à la monarchie et on est vraiment contre la famille royale. On veut se débarrasser d’eux.
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