Ils concilient la foi et le punk et contribuent en braillant à un islam progressiste. Les jeunes musulmans à crête du mouvement Taqwacore investissent Paris à l’occasion du sixième Festival des cultures d’Islam.
On prend le pari : dans le flot de témoignages et de rétrospectives qui inondera les médias au moment de commémorer les dix ans des attaques terroristes du 9/11, il sera beaucoup question de l’islam aux Etats-Unis. Et l’on verra un peu partout ces mêmes portraits de musulmans modèles, libéraux laïques, costumes taillés, barbes rasées de près et discours irréprochables ; bref des musulmans “intégrés”.
Il y en a d’autres, à l’inverse, pour qui le concept fragile d’intégration n’est pas forcement synonyme d’obéissance à un ordre imposé : les punks musulmans – dont les principaux représentants seront invités à Paris le 17 septembre en clôture du Festival des cultures d’Islam (Islam & the City).
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Ils s’appellent The Kominas, The Secret Trial Five ou Al-Thawra, ont sorti un ou deux albums et se sont créés une petite notoriété depuis quelques années sur internet. Leurs signes distinctifs ? Ils prient Allah (avec plus ou moins de conviction), écoutent les punks de Black Flag, viennent pour la plupart des quartiers pauvres des grandes villes américaines et revendiquent le droit de pratiquer leur foi en totale liberté. On les a réunis sous le terme générique de Taqwacore (contraction de “hardcore” et “taqwa”, la piété en arabe), en référence au titre d’un roman de l’écrivain américain Michael Muhammad Knight (The Taqwacores, Hachette), devenu la bible du mouvement.
Publiée au début des années 2000, cette histoire d’une bande de jeunes musulmans de Buffalo qui se découvrent une nouvelle existence dans le punk a été le manifeste de nombreux kids en perte de repères. Comme le jeune cinéaste Eyad Zahra, qui a grandi dans les suburbs de Cleveland et se souvient très bien du choc provoqué par la lecture de The Taqwacores, dont il a fait le sujet de son premier film : “J’étais un peu paumé avant, et la lecture de ce roman m’a profondément bouleversé. En tant qu’Américain, musulman américain, j’envisageais autrement mon identité. Il n’y a aucun précepte dans le Taqwacore, c’est à chacun de pratiquer sa religion comme il l’entend, et ça a aidé beaucoup de musulmans.” Pas de préceptes donc, mais une volonté commune d’un islam arraché au traditionalisme et à l’idéologie (“Tu fais ce que tu veux, il n’y a plus de règles, plus de dignitaires religieux”, résume Eyad Zahra), dont le punk allait être à la fois le révélateur et le meilleur moyen d’expression. Fondé par quatre musiciens de Boston, The Kominas est né sur cette impulsion en 2005 et a été propulsé premier grand groupe de Taqwacore par quelques hymnes sauvages : Rumi Was a Homo ou Sharia Law in the USA, une variation muslim des Sex Pistols (“I am an islamist, I am the antichrist”) infusée de mélodies orientales.
Leurs morceaux ont fait le tour du monde et, des Etats-Unis jusqu’au Pakistan, de nombreux jeunes musulmans se sont convertis à cette religion sans église (voir le documentaire Taqwacore – The Birth of Punk Islam), au nez et à la barbe des autorités islamiques. “Nous étions encore en concert à New York, Londres, Oslo, Cardiff ces trois dernières semaines, et beaucoup de nos fans sont des ados musulmans qui ne pensent et ne vivent pas leur religion de manière conventionnelle”, explique le guitariste des Kominas, Imran Ali Malik. Avant de préciser : “On ne veut plus être réduits au statut de formation musulmane ; nous sommes des musiciens, on fait du punk avant tout.”
Et, de fait, le groupe a évolué depuis 2005 : plus électrique (à l’image de leur dernier titre Ren, diffusé sur internet), il s’est volontairement écarté du folklore arabe. Un nouveau virage qui traduit bien les évolutions en cours dans le Taqwacore selon Eyad Zahra : “La mode passera et les médias se désintéresseront du mouvement, mais l’idée derrière le Taqwacore, elle, ne disparaîtra certainement pas.”
Festival des Cultures d’Islam – Islam & the City du 7 au 17 septembre Soirée Taqwacore (débats, films et concerts) le 17 septembre (Institut des cultures d’Islam, Paris XVIIIe), www.institut-cultures-islam.org
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