Alors que l’Angleterre fête, à coups de Klaxons, les noces sans cesse renouvelées du rock et de l’electro, un enfant bâtard, sauvage et incontrôlable de cette union est en train de mettre le feu aux scènes locales. Car si Shit Disco, Crystal Castles ou Hadouken représentent la face présentable de cette hystérie, le versant raisonnable […]
Alors que l’Angleterre fête, à coups de Klaxons, les noces sans cesse renouvelées du rock et de l’electro, un enfant bâtard, sauvage et incontrôlable de cette union est en train de mettre le feu aux scènes locales. Car si Shit Disco, Crystal Castles ou Hadouken représentent la face présentable de cette hystérie, le versant raisonnable de cette bacchanale, les sales mioches d’Enter Shikari, eux, en sont le monstrueux bubon, l’excroissance exorbitante, l’hybride infernal. Chez eux, le monde des raves vire au cauchemar : à la croisée de Prodigy et d’un prog-rock prodigieusement abusif, de la transe et de la démence, de Mars Volta et de la planète Mars, ils jouent un hard-rock électronique et épileptique exténuant sur disque et terrassant en concert.
Car la scène reste bien sûr l’habitat naturel de ces forcenés qui possèdent plusieurs têtes pour tout oser, tout rosser, et encore plus de jambes pour pogoter furieusement. C’est ce mélange de culture et de barbarie, de science et d’inconscience qui sauve cette incongruité du seul statut de freak, d’outrance. Car derrière les breaks à répétition, les envolées synthétiques grandiloquentes (on se croirait parfois dans une free-party en Hollande), les riffs métalliques accablants et les chants morveux, Enter Shikari ? en condensant en accéléré des décennies entières de rock déviant et physique ? est le produit de synthèse le plus abracadabrant réussi par tout le rock digital.
Voilà ce qui arrive quand on fait fondre un iPod sur-nourri de musiques à cheveux gras, gavé de drogues qui ordonnent la fête et de sons que rien ne prédestinaient à une si curieuse rencontre ? King Crimson et Atari Teenage Riot, Pantera et Faithless, ce genre d’accidents. On le répète : par un miraculeux hasard de calendrier, l’Angleterre succombe à Enter Shikari pendant que la France, elle, sort de la Chiraquie.