Deux Suédois se croient en plein Madchester : innocent, extatique.
On a les marottes qu’on peut. Pour quelques dégénérés, c’est dégoter au prix d’un rein un timbre syldave de 1929. Pour d’autres, pas beaucoup plus sains, c’est se constituer une collection de huit mille salamandres en plâtre. Les Suédois de The Embassy sont, eux, persuadés de pouvoir, par la simple force de l’autopersuasion, transformer le lino morne de leur cuisine en sol rebondissant et drogué de l’Hacienda – circa 89, ou environ.
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La basse tendue comme une arbalète, la guitare lointaine et étincelante, comme les doux rayons du soleil levant, le synthétisme vintage, les rythmiques bondillantes – entre sautillantes et bondissantes, donc –, quelques vagues relents house : on comprend, dès la pochette petersavillienne, puis dès l’ouverture Some Indulgence, qui porte d’ailleurs très bien son nom, encore plus clairement avec Time’s Tight ou Lurking (with a Distance), que Tacking est l’œuvre de moines copistes. D’excellents audiocopieurs. Un vrai truc d’obsédé; on se demande, mis à part les Happy Mondays, New Order ou Electronic, ce que les deux garçons ont bien pu écouter depuis 1992. On pourrait rapidement s’enflammer, hurler au cynisme avec les loups.
Oui mais voilà : Tacking est, aussi, un excellent album. D’une innocence un peu niaise, certes, mais d’une maladresse charmante, fraîche comme un glaçon dans la canicule. C’est une musique à danser en tongs, en amour avec le monde, tout le monde, en gobant des Jelly Beans comme s’ils sortaient d’un vieux stock d’ecstas oubliés par les frères Ryder dans une cave de Madchester. Tacking est la bande-son de la fête heureuse d’avant les emmerdes, d’une cérémonie gaga précédant la longue, terrible, dépressive descente des années 90 et 2000. Un beau disque estival, voire plus, pour oublier qu’on est dans la merde.
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