Berlin fin du monde Mise en scène de Sylvain Maurice.
Berlin, printemps 1945. La guerre touche à sa fin, les Soviétiques ont gagné, les habitants, eux, ne savent plus rien sinon qu’ils ont survécu et vivront peut-être. Peter, un garçon de 16 ans, membre des jeunesses hitlériennes, hésite à se tirer une balle dans la tête et suivre ainsi l’ordre donné de suicide collectif. Une seconde d’hésitation de trop et il n’appuiera pas sur la gâchette. L’acte prend alors valeur de symbole et pose les questions du bien et du mal, de la fatalité ou du choix. Lothar Trolle a écrit ainsi une dizaine de pages, fragments plutôt que pièce, dont s’est emparé le metteur en scène Sylvain Maurice. Ce fondu de littérature allemande qui a déjà monté Horváth, Lenz et Kaiser s’amuse de ce jeu de massacre où l’on voit entre autres un squelette poursuivre ses fils qui l’ont mangé tout cru, trois petits vieux qui jouent à « qui dénonce qui ? », des suicides ratés et des homicides tout à fait volontaires. Berlin fin du monde, s’il n’est pas le meilleur texte de l’auteur, parfois un peu simpliste dans la provocation, pousse le metteur en scène à une ingéniosité maximum. Sylvain Maurice en fait une sorte de cabaret, explorant tous les possibles de ce carnet de notes cruelles à l’humour très très sombre. Ce monde apocalyptique tient sur une scène minuscule. Il faut saluer l’incroyable performance de Joëlle Bondil, la scénographe qui accompagne le travail de Sylvain Maurice depuis plusieurs années. Créant des effets de perspective, des impressions visuelles par un jeu d’écran, elle fait du handicap un atout gagnant. Au vu du nombre d’habitants au mètre carré de plateau, on pourrait craindre le pire, mais tous excellent dans la gestion de l’espace sans brasser d’air. Michel Quidu joue Peter, adolescent trop vite grandi, maladroit et trop sûr. Son air de gosse un peu illuminé et sa diction un brin hésitante font autant peur qu’ils ne touchent. La proximité permet une confidentialité qui renforce la violence du propos. Comme dans Guignol, personne n’est jamais mort vraiment, les cadavres se relèvent toujours, au son des basses sourdes et de la musique live. Sylvain Maurice et sa compagnie Ultime & Co démontrent bien que talents et inventions font beaucoup de théâtre avec peu de moyens.