Les trouvères retrouvés. Deux recueils illuminés par la voix de Catherine Bott restituent l’art subtil de la chanson courtoise. Tout amateur de musique ancienne sait ce qu’il doit à L’Oiseau-lyre : les découvertes inoubliables des chansons de Dufay et d’Ockeghem, les délices du siècle d’or anglais, l’art consommé d’un Christopher Hogwood. Deux de ses hôtes […]
Les trouvères retrouvés. Deux recueils illuminés par la voix de Catherine Bott restituent l’art subtil de la chanson courtoise.
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Tout amateur de musique ancienne sait ce qu’il doit à L’Oiseau-lyre : les découvertes inoubliables des chansons de Dufay et d’Ockeghem, les délices du siècle d’or anglais, l’art consommé d’un Christopher Hogwood. Deux de ses hôtes les plus récents, Catherine Bott et le New London Consort de Philip Pickett, proposent aujourd’hui deux albums qui enrichissent l’étalage de belle manière. La marchandise est fraîche et se laisse déguster avec plaisir. Que ce soit à l’époque des trouvères et troubadours ou deux siècles plus tard, au Tyrol, la chanson courtoise ne se laisse pas enfermer dans des clichés réducteurs, malgré la récurrence d’images qui décrivent l’amour lointain. La raideur de la forme strophique fait le jeu du renouvellement incessant du cadre poétique. C’est sur lui et sur la myriade des inflexions mélodiques et tournures mélismatiques que se concentre la performance soliste de Catherine Bott. Renonçant volontairement à l’artifice de l’accompagnement instrumental, elle vient montrer que texte et musique ne forment qu’un. Pendant plus d’une heure, nul ennui ne vient contrer cet enchaînement harmonieux d’arabesques qui a pris le pas sur la monodie grégorienne.
Grâce à leur diversité et leur simplicité de ton, les chansons du poète et musicien Oswald von Wolkenstein extraites par Philip Pickett nous rendent le personnage étonnamment proche. Encore une fois la peinture de l’amour domine. Languir douloureusement est le mot d’ordre de cette génération qui loue la vertu, l’honneur et la sagesse. Il faut s’arrêter sur Der oben swebt et cette merveilleuse pudeur, dénuée de mysticisme ou d’ésotérisme, de celui qui loue le Créateur avec « la petitesse de son art ». La note parodique est loin d’être absente, comme dans cette cour faite en pure perte par un gentilhomme à une femme d’âge mûr. Dans le genre extraverti, on est tour à tour plongé dans la vie rustique de la ferme, on vit avec la volubile Catherine Bott l’éveil animalier du mois de mai puis une scène de chasse et, surtout, on pénètre avec une frénésie qui préfigure le stile concitato monteverdien dans le monde guerrier des Wolkenstein à travers cette peinture colorée et réaliste de l’assaut du château fort de Greifenstein, là même où gémira plus tard le pauvre Oswald en évoquant le faste de ses voyages et honneurs passés. Les rigueurs et conventions de l’ars nova sont tempérées par la vivacité poétique. A l’agilité malicieuse de Bott répond la langueur de Paul Agnew, tandis que les deux voix profondes campent une rudesse non dénuée de parodie. Le monde d’Oswald von Wolkenstein mérite le détour.
Catherine Bott, Sweet is the song: Music of the troubadours and trouveres (L’Oiseau-lyre) ; Knightly passions: the songs of Oswald von Wolkenstein – Catherine Bott, Paul Agnew, Michael George, Simon Grant. The New London Consort, dir. Philip Pickett (L’Oiseau-lyre)
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