Les andes noires. Une voix et une cause : deux bonnes raisons pour découvrir la perle noire péruvienne à travers trois superbes albums. Si le Brésil n’a jamais cessé d’honorer et d’exalter sa négritude et ses métissages, les autres pays du continent sud-américain ont manifesté moins de zèle à mettre en avant leurs attaches avec […]
Les andes noires. Une voix et une cause : deux bonnes raisons pour découvrir la perle noire péruvienne à travers trois superbes albums.
Si le Brésil n’a jamais cessé d’honorer et d’exalter sa négritude et ses métissages, les autres pays du continent sud-américain ont manifesté moins de zèle à mettre en avant leurs attaches avec l’Afrique. L’heure semble pourtant propice pour une réévaluation du rôle joué par la musique des populations déportées et mises en servitude par les colons espagnols. Sans vouloir verser dans la manie « sociologiste », ce retour de bâton a un air de revanche. De celle dont Jean Baudrillard affirmait qu’elle ne se traduisait pas par la réappropriation du territoire, des privilèges ou de l’autonomie, mais par la façon dont « les Blancs (étaient) mystérieusement saisis par le désarroi de leur propre culture, saisis par cette lenteur ancestrale », imposée par leurs anciens prisonniers. Avec Toto La Momposina et El Sexteto Tabalà en Colombie ou Susana Baca au Pérou, on s’aperçoit que tout finit toujours par resurgir.
Susana Baca travaille depuis plusieurs années à la réhabilitation des musiques afro-péruviennes. Avec son mari, Ricardo Pereira, elle a fondé à Lima l’Instituto Negrocontinuo qui veille à ce que toutes les formes d’expressions de la communauté noire soient préservées. Mais outre son travail d’ethnomusicologue et ses attributions à l’Unicef, Susana Baca chante, ce qui a pour conséquence de rendre ses autres activités accessoires. Imaginez Cesaria Evora mandatée par le gouvernement cap-verdien pour la conservation des traditions musicales de l’archipel. Ce que madame Baca accomplit de la voix va bien au-delà des possibilités propres à n’importe quelle action administrative. Sa manière de faire vivre la mémoire et de pérenniser le répertoire leur évite de subir l’embaumement et la muséification.
Trois albums paraissent simultanément, d’un intérêt et d’une qualité musicale égaux. Vestida de vida s’apparente plus à une collection de chansons, qui du reste n’appartiennent pas toutes au patrimoine péruvien, puisque Susana y reprend des thèmes cubains, colombiens et… le Summertime de Porgy & Bess sans que sa version, chose rare, engendre lassitude ou sensation de rengaine. Del fuego y del agua s’accompagne d’un épais livret racontant l’histoire africaine du Pérou : mode de vie, rites religieux, expressions culturelles. Le disque ouvre au large l’éventail des métissages avec du lando, du yaravi, du zamacueca , du tondero, etc., styles nés de la rencontre entre les Andes, l’Afrique et l’Espagne. L’envoi le plus récent a été produit par David Byrne pour son label de world music. Fondé pareillement sur la diversité, on y retrouve ce mélange de chansons et de morceaux à forte coloration afro-cubaine avec un dosage peut-être plus orienté vers ce caractère festif et dansant que la chanteuse sait si superbement mettre en évidence.
Susana Baca, Susana Baca (Luaka Bop/Wea) ; Vestida de vida (Kardum/Iris Musique) ; Del fuego y del agua (Tonga)
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}