Rare rescapé du rock des années 2000, Interpol retrouve sa marque de fabrique, entre ambiances menaçantes et déflagrations dévastatrices.
Malgré les obstacles (une longue pause entre fin 2011 et début 2014, le départ de leur bassiste Carlos Dengler…), les Américains d’Interpol ont réussi à se ressouder sur El Pintor il y a quatre ans. Désormais en trio, ils reviennent avec un sixième album, Marauder, qui prouve leur solidité seize ans après leurs débuts sur l’inégalable Turn on the Bright Lights. Guitariste du groupe, Daniel Kessler revient sur cette longévité : “C’est vraiment gratifiant de constater qu’on est encore là, qu’on a encore des choses à dire, que notre collaboration continue à faire des progrès, que l’alchimie entre nous existe toujours. Une récompense que beaucoup de groupes n’ont pas.”
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Des nouvelles chansons aussi pénétrantes qu’abrasives
Fin 2015, Paul Banks et lui recommencent à composer ensemble. Le résultat surprend par le caractère explosif de ces nouveaux joyaux sombres. Daniel Kessler poursuit : “Quand on répète et qu’on sent qu’une chanson est en train d’émerger, c’est comme une drogue : on est euphorique et on en veut encore. Pour Marauder, on a eu des moments comme ça dès le début avec If You Really Love Nothing et The Rover. On a vu d’emblée où on voulait aller.” Pour jouer ces nouvelles chansons aussi pénétrantes qu’abrasives, les trois men in black ont pris leurs quartiers dans un local de répétition qui appartient aux Yeah Yeah Yeahs, à Manhattan. Ils ne seront sans doute pas réinvités de sitôt : le voisinage s’est plaint de leur surplus d’énergie et Interpol a vu débarquer la police à deux reprises, devant se résoudre à quitter les lieux. Une autre solution, inimaginable pour ces sauvageons intraitables, aurait été de baisser en intensité ou en volume sonore.
Des morceaux rock ténébreux, piquants ou planants
Après avoir produit eux-mêmes El Pintor en 2014, ils ont décidé cette fois de faire appel à une oreille extérieure pour les guider : “On a enregistré avec Dave Fridmann dans son studio, situé loin de tout. On ne savait pas trop à quoi s’attendre parce que les albums qu’il a produits n’ont pas un son unique, mais une diversité impressionnante, de Mercury Rev aux Flaming Lips, en passant par Mogwai, Spoon, Tame Impala ou MGMT. Il nous a dit qu’il voulait garder ce côté live, cette âpreté qui rebondissait contre les murs, sans même qu’on lui dise que c’est ce dont on avait envie nous aussi.”
On constate avec plaisir qu’Interpol ne cède pas aux modes digitales de l’époque et continue de signer, à l’encre noire, des morceaux rock ténébreux, piquants ou planants, enveloppés par la voix caverneuse de Paul Banks. Sans perdre leur mordant, ni leur élégance, les New-Yorkais subliment la violence latente du post-punk, tout en s’autorisant des moments plus contemplatifs et des éruptions débridées. Cette nouvelle maraude fascinante devrait atteindre son apogée en concert.
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