Deux ans après le démentiel Age Of, le producteur démiurge Daniel Lopatin signe un nouvel album dans lequel il poursuit sa déconstruction en règle de la pop music.
Depuis ses débuts en 2007, le trentenaire Daniel Lopatin, désormais installé à Brooklyn, mais issu du plus profond du Massachusetts, n’a cessé de mélanger et brouiller les pistes, comme pour mieux agacer, désorienter et mettre à mal les concepts formatés qui régissent la musique, qu’elle soit pop, électronique ou expérimentale. Après une ribambelle d’albums mélangeant ambient, indus, drone et breakbeat en un joyeux fourre-tout, Oneohtrix Point Never a poursuivi sa quête d’un objet pop non identifié.
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Le climax a été atteint avec Age Of (2018), où il réussissait à synthétiser toutes ses obsessions : l’amour du digital comme des synthés vintage, la collision de l’ambient avec la pop, le mélange du folk avec des sonorités médiévales, les pas de côté vers le r’n’b, sans compter un usage outrancier de l’AutoTune et une résistance certaine à se passer du beat. Le tout accompagné de théories farfelues convoquant autant Pynchon que Kubrick sur fond de fin du monde.
Homme de concepts, geek effréné, explorateur des moindres recoins de l’internet, Daniel Lopatin explique que son nouveau disque a été totalement influencé par son amour de la radio. “J’ai fait une bonne partie de mon éducation musicale en écoutant la FM. Jeune, je me sentais un peu isolé et différent, et la radio était un contact avec le monde, la possibilité d’écouter des voix extérieures.”
Comme un programme radio fantasmé
“Je m’amusais à faire des mixtapes, où j’enregistrais un bout de chanson, puis un jingle, puis quelques secondes de conversation. En les réécoutant, ça tenait plus du collage que du mixage, il y avait toujours des sons parasites, des choses qui n’avaient pas leur place, des erreurs qui rendaient le résultat assez nostalgique.”
Conçu comme un programme radio fantasmé, pour lequel son auteur conseille le mode random pour ne jamais avoir l’impression d’écouter le même enregistrement, Magic Oneohtrix Point Never invite Arca, The Weeknd, Caroline Polachek ou le jeune rappeur Nolanberollin. Et s’avère l’objet le plus pop produit à ce jour par le démiurge Lopatin, qui avoue qu’on peut y déceler sa fascination pour le songwriting et sa passion sans bornes pour Surf’s Up des Beach Boys, son amour pour les ballades signées Def Leppard, son admiration pour Alex Chilton ou son excitation pour la synth-wave.
Mélange d’interludes radio, de cordes passées dans les logiciels, de bruits parasites, de cassures de rythmes, d’AutoTune, de mille-feuilles de sonorités, Magic Oneohtrix Point Never avance un peu plus dans l’exploration de la pop music, avec quelques fulgurances comme les très new wave Lost but Never Alone et I Don’t Love Me Anymore ou le très r’n’b du futur Nothing’s Special en conclusion. Même si ce disque ne parvient pas, malgré son intitulé, à retrouver la magie qui faisait tout le génie du précédent Age Of.
Magic Oneohtrix Point Never (Warp/Differ-Ant)
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