Avec « Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears », Elise Costa offre un road-movie intimiste sur la plus grande pop-star des années 2000. Toxique et sentimental.
D’abord, on se méfie de ce titre en forme de confession, inscrit dans la mouvance des nouveaux intitulés bling-bling. A savoir : n’importe quel agencement de mots pourvu qu’y figure au moins un nom de star.
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Après donc Marilyn, Dalida, Kennedy, Sade et mille autres encore, au tour de Britney de servir de chair à roman, après avoir été celle des tabloïds. Mais en y regardant de plus près, le récit d’Elise Costa, journaliste toulousaine de 26 ans, marche sur des oeufs : annoncer une non-rencontre avec la star la plus visible des années 2000, c’est infirmer d’emblée le projet biographique pour lui substituer un ratage, une absence.
En 1998, une écolière à couettes chante son désarroi amoureux
Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears repose de fait sur ce paradoxe hautement poétique : pour saisir une icône aussi mouvante et diffractée que Britney Spears – créature de l’hypervisible par excellence, de la mascarade médiatique permanente –, une seule solution : prendre en chasse son double issu de notre imaginaire, où repose l’enjeu de notre fascination.
Celle de l’auteur débute un jour de 1998, quand elle découvre cette écolière à couettes chorégraphiant son désarroi amoureux sur MTV.
Onze ans plus tard, elle décide de traverser un océan pour assister au concert donnée à L.A. par la chanteuse ressuscitée : nouveaux cheveux, nouvelle culotte, nouveau cerveau. Le résultat, hélas, on le connaît : une succession de concerts mécaniques et en play-back, pas très habités.
Mais avant cette déconvenue en live, Elise Costa va s’offrir une belle ballade US, dans le sillon de l’icône pop : de New York, où Britney passa ses auditions pour le Mickey Mouse Club à 8 ans, à Vegas et son fameux mariage sous MDMA, en passant par sa Louisiane natale, haut lieu de l’innocence (perdue).
En comparant des paysages deep America à “une pochette ratée d’un disque de Johnny Cash”, ou Vegas à “1984 de George Orwell écrit par une stripteaseuse capitaliste”, Elise Costa fait défiler avec un sens détonnant de la formule tous ces contrastes légendaires entre sudiste et wasp, puritanisme et culture trash.
Du sourire ultra bright à la boule à zéro
Bientôt, cette géographie dessine un corps : celui de Britney, insaisissable dans son angélisme souillé par l’autodestruction, sa virginité piétinée par le diable. Les balises de ce road-movie intime se resserrent autour de cette rupture symbolique qui a vu la star basculer de la miss America “au sourire ultra bright géant” à la bad girl des années 2005-2008 : boule à zéro, pussy immortalisée par les flashes, insultes, comas, HP.
Elise Costa nous embarque dans cette quête d’une blondeur trash modelée par les démons de l’entertainment. Cette odyssée fixe son étoile, mais est aussi toute personnelle : sa plus grande réussite est de parvenir à ordonner une rencontre entre le mythe d’une double décennie gagnante (1960-1970) et une authentique nostalgie des années 1990-2000. De ce fait, Costa récupère un genre littéraire (l’essai sur le rock sentimental et érudit) trusté jusqu’alors par Nick Hornby, Rob Sheffield et consorts, pour s’ériger en geekette de la pop millénaire.
Comment je n’ai pas rencontré Britney Spears d’Elise Costa (Editions Rue Fromentin), 230 pages, 18€
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