Toujours d’une finesse et d’une classe renversantes, Superpoze revient avec un nouvel album qui raconte la catastrophe ultime d’un point de vue esthétique. Rencontre.
« For We the Living est mon deuxième album. Il est inspiré de lectures, films et œuvres qui s’intéressent aux catastrophes naturelles, à la fascination de l’homme pour sa propre fin et au discours eschatologique en général.” On a su que Superpoze revenait avec cette note d’intention envoyée par la poste. Quelques jours plus tard, après s’être plongé dans les architectures électroniques de For We the Living, on rencontre le garçon autour d’un thé pour parler tranquillement de la fin du monde.
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“La fin du monde, dit-il, ou en tout cas d’un certain monde, de notre monde, est quelque chose de latent en ce moment. On entend partout ‘avènement du numérique’, ‘disruption’… C’est même présent dans les discours des politiques, avec l’idée qu’on ne sait pas encore vers quoi on se dirige.”
Gabriel Legeleux, 24 ans, s’est donc plongé dans l’imaginaire de la catastrophe pour accoucher de son nouvel album. Un imaginaire commun à tous, surtout quand les cauchemars politiques se réalisent de façon terriblement concrète.
Mais For We the Living est bizarrement un album ouvert et optimiste, lumineux, presque ludique, capable de penser le cataclysme comme expérience esthétique totale avec, en creux, la narration d’un nouveau monde à bâtir. Gabriel parle de “métaphysique pop” pour aborder cette approche de la fin du monde, qu’on retrouve dans les films récents Interstellar, Take Shelter, Melancholia ou encore Premier contact. Il précise et insiste toutefois : “Cet album n’est pas autre chose que de la musique. Ça s’arrête là.”
Superpoze en enchainé les projets
Depuis Opening, son premier album sorti en 2015, Superpoze a géré pas mal de projets. Il a traversé une bonne partie du monde pour ses concerts, puis composé la BO du documentaire A voix haute pour France 2 – un truc poignant sur l’éloquence – et celle d’une pièce de théâtre de Marc Lainé (prévue pour la fin de l’année). Il a aussi produit le premier album solo de Pone, ex-Birdy Nam Nam qui, avec Gabriel aux manettes, s’est offert un nouveau départ au top de sa forme. Et dans le genre, Superpoze signera bientôt la prod de l’album de Lomepal pour assouvir une “passion secrète pour le rap”. Bientôt plus très secrète, donc.
Gabriel a bricolé son nouvel album entre tout ça, au fil de ses lectures (notamment le recueil De l’univers clos au monde infini, présenté par Emilie Hache, certains écrits de John Cage, etc.) et de ses découvertes cinématographiques.
Il dit d’ailleurs avoir écouté moins de musique pour cet album qu’à d’autres époques de sa vie, même si Max Richter, Jóhann Jóhannsson et les deux derniers albums de Talk Talk, Spirit of Eden et Laughing Stock, que son père lui a offerts en vinyle l’année dernière, ont beaucoup porté ses aspirations sonores. Sinon, Gabriel tient des dossiers visuels sur son ordinateur. Des sortes de mood boards où il a recensé des captures d’écran de films et des œuvres de land art.
« Je n’ai pas envie de sacrifier mes envies sur l’autel de la pop »
For We the Living a été composé et enregistré dans une maison du sud de la France, au calme, les fenêtres grandes ouvertes sur l’extérieur. En lien direct avec la nature autour, Gabriel a construit son album de façon à raconter l’arrivée de la catastrophe (les quatre premiers morceaux), puis son apogée (le morceau Thousand Exploding Suns) et enfin l’après, durant lequel surgit le seul track chanté de l’album (A Photograph).
Dessus, la voix de Dream Koala, compagnon de route de Superpoze depuis des années, résonne pour interroger ce qu’il reste du monde après son bouleversement. Le tout a été pensé avec une série de vidéos et un livret bossés avec le collectif Television.
De ce programme assez dense, on comprend une chose : ce n’est pas demain la veille que Superpoze se transformera en machine de guerre electro, comme c’est déjà le cas pour certains musiciens de sa génération, à commencer par Fakear ou Madeon. Ce n’est pourtant pas le potentiel qui manque.
“Je ne vais pas sacrifier mes envies sur l’autel de la pop, explique Gabriel. J’ai envie de construire une œuvre, d’avoir une discographie, de laisser un truc qui soit le plus beau possible. C’est sûrement en lien avec la mortalité, et peut-être avec la psychanalyse. Aujourd’hui, Opening, mon premier album, je sais pourquoi je l’ai fait de cette manière, et ce que ça voulait dire sur moi à l’époque où je l’ai fait.”
Encore un peu et il aura peut-être la même prise de conscience pour le très beau For We the Living. Et peut-être même qu’il nous racontera.
concerts en tournée à partir du 24 février
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