Parmi les rares rescapés de la britpop, Suede prouve la pertinence de sa reformation sur un nouvel album intimiste, accompagné d’un film et de concerts très spéciaux.
Pour son septième album, le deuxième depuis son retour aux affaires après une pause interminable, Suede chamboule ses habitudes. Au lieu de regrouper des chansons qui n’ont pas forcément de lien entre elles, le groupe a conçu Night Thoughts comme une œuvre globale, centrée sur un homme dont la vie part en lambeaux.
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Indissociable du disque, un film réalisé par Roger Sargent (qui a travaillé avec The Libertines ou Fat White Family) illustre chaque morceau et renforce la cohésion du projet. Au tout début, on voit un homme marcher sur un sentier champêtre de bord de mer, sous le soleil. L’image idyllique s’évapore vite : il avance d’un pas décidé jusqu’à la plage et s’enfonce peu à peu dans l’eau. On suit alors des souvenirs de sa vie pendant qu’il se noie – une structure qui rappelle The Ninth Wave de Kate Bush, que Brett Anderson admire depuis longtemps.
“C’est le premier album que j’écris depuis que je suis devenu père, explique le fascinant leader. Avant, je n’envisageais les relations que d’un point de vue amoureux. Avoir un enfant m’a fait découvrir un sentiment incroyablement dévorant et puissant. C’est une passion extrême, qui s’accompagne d’une peur extrême. Une grande partie de l’album parle de ça.”
Angoisse et famille
Le thème omniprésent de la famille ne donne pas lieu aux niaiseries d’un papa poule. Les paroles sombres évoquent plutôt les angoisses sur ce qui pourrait arriver à ses proches. Malgré le sérieux du propos, Night Thoughts ne se laisse pas entraîner jusqu’au fond de l’abîme. Enluminé par une section de cordes majestueuse et des ambiances envoûtantes, cet album impressionnant démontre ce dont les membres du groupe, devenus des quadras élégants, sont capables. Les pop-songs (Like Kids, Outsiders) se font discrètes, au profit de ballades voluptueuses (la grandiose The Fur & The Feathers et son glam désabusé) ou crépusculaires (la poignante I Can’t Give Her What She Wants).
Pommettes taillées au cran d’arrêt et accent aristo tout droit sorti de Downton Abbey, Brett Anderson continue à déployer son champ lexical caractéristique : “corridor”, “silhouettes”, ou encore “cellophane” sont autant de mots typiques du vocabulaire de Suede. Toujours très spectaculaire sur scène, comme en témoigne un concert explosif au Festival des Inrocks fin 2013, le groupe a prévu un dispositif inhabituel pour sa nouvelle tournée. Pour commencer, le film Night Thoughts est projeté sur un écran, derrière lequel les Anglais interprètent en intégralité l’album – la finesse du tissu et les éclairages permettent de les apercevoir à certains moments.
“C’est une expérience intéressante, explique Brett. J’aime bien me concentrer sur le chant. D’habitude, en concert, je me sens plus performeur que chanteur. Ça modifie aussi le rapport au public.”
La seconde moitié prend la forme d’un concert plus traditionnel où ils piochent dans leur répertoire : l’occasion de replonger dans les tubes innombrables de ce groupe à la jeunesse éternelle, qui sait encore surprendre vingt-quatre ans après son premier single.
Retrouver l’intégralité de l’entretien ici
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