Avec un intrigant album de reprises, Tori Amos rappelle que si elle n’est pas toujours une grande plume, elle demeure une voix prodigieuse. Tori Amos a sa propre logique, dans laquelle on n’entre pas et ça vaut mieux. Elle semble exister dans une autre dimension, où les mots ne sont pas toujours assemblés selon […]
Avec un intrigant album de reprises, Tori Amos rappelle que si elle n’est pas toujours une grande plume, elle demeure une voix prodigieuse.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Tori Amos a sa propre logique, dans laquelle on n’entre pas et ça vaut mieux. Elle semble exister dans une autre dimension, où les mots ne sont pas toujours assemblés selon notre habitude et ne signifient pas la même chose. Tori pense très vite, économise les enchaînements : d’où, parfois, une difficulté à saisir le fond de sa pensée, à décrypter les codes. Un mélange de fulgurances brillantes et de charabia, asséné avec une force de conviction acquise au cours d’une tumultueuse carrière.
Car Tori Amos a commencé extrêmement tôt ses divagations musicales, rivée à un piano dès ses 2 ans. Enfant prodige, puis gamine dévergondée, elle assure alors le fond musical dans des clubs lounge. Mais Tori fait tapisserie et elle n’aime pas ça. Elle met alors de côté ses prétentions artistiques et son talent et, lookée Bonnie Tyler, sort un premier album pathétique, qu’elle juge elle-même indigne, Y Kant Tori Read. « J’en avais marre des gens qui renversaient leurs boissons sur mon piano quand je jouais dans les bars. » Mais il ne suffit pas de faire sa pétasse pour que ça marche et l’album passe très vite aux oubliettes.
A l’échec se rajoutent de brutaux problèmes personnels Tori fut violée par un fan. Elle se rappelle alors que, petite, la musique était son seul instrument de communication et décide de retrouver ces sensations enfantines. Ce sera Little Earthquakes, un album qui comble alors ses espoirs de succès et révèle sa personnalité de douce foldingue et son charisme étrange qui malheureusement auront beaucoup éclipsé la beauté retenue de ses chansons. Les quatre albums suivants se chargeront d’en faire une star. En 2001, Tori Amos sort un album de reprises, Strange Little Girls, au concept compliqué à saisir lorsque c’est elle qui l’explique. Strange Little Girls est un album de reprises de chansons écrites par des hommes et impliquant des femmes, mais ici chantées du point de vue de la femme sans cependant changer les paroles. Qué ???? Simplifions : Tori Amos a ici démultiplié sa personnalité en douze : douze filles chantées à l’origine par des hommes, douze filles à problèmes douze Tori différentes et méconnaissables illustrent le livret façon Cindy Sherman, de la bimbo à la flic, en passant par la call-girl et la mère de famille. Tori chante en se mettant à la place mentale de l’héroïne en question et, obsédée par la violence des sentiments, pleine d’empathie, souffre beaucoup pour chacune d’elles. « Le problème était de comprendre comment les hommes disent les choses et ce qu’entendent les femmes. A l’écoute d’une chanson, je comprenais parfois le point de vue de la fille tout de suite comme sur le morceau de Slayer : j’ai su que c’était une résistante française, que sa sœur avait été tuée et qu’elle ferait ce qu’elle avait à faire pour avoir les informations qu’elle voulait avoir. » Evidemment, il s’agit là une relecture très personnelle du texte qui ne parle que de vengeance sanglante. Plus concernée par les mots que par la musique « Je n’étais pas forcément fan des chansons » , elle aurait pu se contenter d’une interprétation à sa manière, piano en rut et cheveux au vent.
C’est là que Strange Little Girls trouve son intéressante démence. D’un choix de chansons éclectique et musicalement peu cohérent on passe de Slayer à Joe Jackson, de Lloyd Cole à 10 CC , elle fait une interprétation qui donne une vraie tonalité à l’album, laissant transparaître sa propre intensité. Enjoy the Silence de Depeche Mode, Rattlesnakes de Lloyd Cole deviennent siennes, pesantes de signification et légères à la fois. Elle asphyxie par la douceur de sa voix la brutalité des paroles de 97′ Bonnie & Clyde d’Eminem et transforme un rap violent en poésie amère. Le sirupeux I’m Not in Love de 10 CC devient sec et cardiaque, et même l’ampoulé I Don’t Like Mondays des Boomtown Rats trouve un second souffle. Toute la force furieuse de Tori Amos est là : elle met sa démesure au service des autres.
{"type":"Banniere-Basse"}